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nent de la manie enfantine. « On voit, dit Griesinger, chez des enfants de trois ou quatre ans, des accès de cris, avec besoin de frapper, de mordre et de détruire ce qui leur tombe sous la main[1]. »

Chez les enfants un peu plus avancés en âge, les cas de folie maniaque deviennent plus fréquents encore. Le Dr Morel cite une enfant de cinq ans qui, à la suite d’une émotion de peur, tomba dans un état « de turbulence continuelle et d’exacerbation maniaque[2] ». Sous le nom de monopathie furieuse, le Dr Guislain signale une maladie du même genre chez une petite fille de sept ans : ici le principe du mal était un coup reçu à la tête[3]. Esquirol parle d’un enfant de huit ans qui fut atteinte de manie à la suite d’une fièvre typhoïde. Et comme les causes morales alternent toujours avec les causes physiques dans la génération de la folie, nous trouvons chez Foville l’observation d’un garçon de dix ans devenu maniaque pour avoir fait trop de lectures.

Ce qui est remarquable, c’est qu’à ces exemples si nombreux de manie enfantine, dont nous pourrions encore prolonger l’énumération, l’observateur ne puisse ajouter un seul cas de monomanie. La fixité des idées folles est tout aussi incompatible avec la manie de l’enfant que la fixité des idées normales et raisonnables. La petite folle observée par le Dr Chatelain changeait sans cesse de pensée. « Ordinairement une idée quelconque la préoccupait exclusivement pendant un jour ou deux, puis s’effaçait pour céder la place à une autre. » La monomanie paraît être au premier abord un signe de grande faiblesse intellectuelle, puisqu’alors toutes les idées, tous les sentiments, sont comme annihilés devant une seule pensée, devenue souveraine maîtresse de la conscience. Et cependant, si l’on y réfléchit la monomanie suppose une certaine force de l’intelligence, une certaine puissance de concentration, puisqu’elle est un délire tout à fait systématisé. L’enfant, avec la mobilité et l’inconsistance de ses idées, avec ses impressions flottantes et encore mal établies, peut facilement délirer, c’est-à-dire passer d’une idée à une autre sans suite et sans raison : mais on comprend qu’il n’ait pas la force nécessaire pour grouper d’une manière permanente toutes ses facultés autour d’une seule conception folle. Voilà pourquoi sans doute le désordre intellectuel se manifeste chez lui par la succession rapide et incohérente, par la fuite incessante des idées, courant éperdues les

  1. Griesinger, Pathologie und Therapie der psychischen Krankheiten, 2e édit. p. 147.
  2. Morel, op. cit., p. 102.
  3. Dictionnaire de médecine, 1829.