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g. compayré. — la folie chez l’enfant

« D. Pourquoi ne l’aimez-vous pas ? — R. Je n’en sais rien.

« D. Vous-a-t-elle maltraitée ? — R. Non…

« D. Vous avez un petit frère ? — R. Oui.

« D. Il est en nourrice et vous ne l’avez jamais vu ? — R. Oui.

« D. L’aimez-vous ? — R. Non.

« D. Voudriez-vous qu’il mourût ? — R. Oui.

« D. Voulez-vous le tuer ? — R. Oui. J’ai demandé à papa de le faire venir de nourrice pour le tuer. »

Sans doute, dans ce dernier exemple, on a affaire à une volonté criminelle plutôt qu’à une véritable folie. Cependant l’obstination de l’enfant, son attitude pleine de sang-froid et de cynisme, l’absence même de motifs suffisants pour expliquer chez elle l’idée fixe du meurtre, tout autorise à considérer sa perversité comme un cas de pathologie mentale.

Le Dr Prichard, qui, comme on sait, a le premier déterminé avec netteté les caractères de la folie morale (moral insanity), cite l’observation suivante : « Une fillette de sept ans s’était montrée jusqu’à cet âge douce, gaie, affectueuse, très intelligente, lorsqu’elle fut renvoyée chez elle par ses maîtres, à cause du grand changement survenu dans sa conduite. Elle était devenue grossière, indocile, ingouvernable. Son appétit s’était perverti au point qu’elle préférait les légumes crus à sa nourriture habituelle. Sa santé s’altéra. Seules ses facultés intellectuelles échappaient au mal. L’enfant du reste guérit au bout de deux mois[1]. » Cet exemple est particulièrement intéressant, parce qu’il nous montre la folie morale envahissant soudain un caractère jusque-là bien réglé, une intelligence déjà éveillée, et procédant par accès passagers, à la façon de la plupart des maladies physiques ou mentales.

Il serait trop long de reproduire ici tous les cas de caractère maladivement vicié que présente l’enfance[2]. Sans vouloir faire de tous les espiègles des fous, sans imputer à la folie toutes les bizarreries de la

  1. Prichard, On insanity, 1835, p. 55.
  2. Citons encore les observations suivantes, qui appartiennent à la même catégorie : 1o Une fillette de huit ans, dont les sentiments affectifs avaient subi une perversion complète. On lui entendit souvent dire que, pour avoir les vêtements de sa grand’mère, elle la tuerait. Peu à peu, cette jeune fille guérit, et il ne resta d’autre trace de son ancien état qu’une propension à la tristesse (voyez Annales médic.-psychol., 1867, I, p. 331). 2o Un garçon de six ans, observé par John Mislar (voyez le journal anglais, The Lancet, 23 mai 1863), qui fuyait les caresses de ses parents et n’y répondait que par des accès de violence. Sa sœur vint à mourir ; l’enfant mit le feu au berceau où reposait le cadavre de la pauvre morte. Son goût était complètement dépravé et paraissait s’accommoder de sel et d’arêtes de poisson.