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survivent, restent toute leur vie hystériques ou épileptiques[1]. Le Dr Hippolyte Martin a étudié quatre-vingt-trois familles, chez lesquelles un ou plusieurs membres présentaient une surexcitation nerveuse d’origine alcoolique. « Sur quatre cent dix enfants nés de ces familles, cent huit, c’est-à-dire plus du quart, ont eu des convulsions et au bout de quelques années cent soixante-neuf étaient morts, tandis que deux cent quarante-un vivaient encore ; mais quatre-vingt-trois, c’est-à-dire plus du tiers des survivants, étaient épileptiques[2]. »

Si des parents, par cela seul qu’ils ont eu l’habitude de l’ivrognerie, peuvent transmettre à leurs enfants une vie dégénérée, un tempérament nerveux dont la faiblesse et l’excitabilité sont une prédisposition et comme un appel aux convulsions, à l’épilepsie, enfin à toutes les altérations mentales ; à combien plus forte raison, est-il inévitable que des parents déjà fous, dont l’aliénation est déclarée, laissent en héritage à leurs descendants une sorte de manie instinctive et de folie innée ! « J’ai constamment observé pour ma part, dit le Dr Morel, que les enfants d’un père ou d’une mère aliénés présentaient, dès l’âge le plus tendre, des anomalies du côté des fonctions nerveuses, qui étaient les signes les plus certains d’une dégénérescence ultérieure, lorsque rien n’était fait pour combattre un danger aussi redoutable[3]. »

L’hérédité est donc la cause la plus fréquente, quoique la plus obscure, de la folie chez les enfants. Ce n’est pas dans les mauvais traitements d’une belle-mère acariâtre, dans les petites déceptions de la vie enfantine, dans la brutalité d’un maître d’école, qu’il faut chercher le plus souvent le principe du mal : la déviation des facultés a une origine plus lointaine. Par une sorte de sélection fatale qui n’a rien de conforme à celle qu’on nous représente comme la cause du progrès dans le monde, le mal se transmet et s’aggrave d’une génération à l’autre. Une simple crise nerveuse chez un grand-père peut devenir chez le fils une disposition mélancolique ou maniaque, chez le petit-fils un état d’idiotie et d’imbécillité absolue. Les phénomènes morbides, plus encore que les états normaux de la conscience humaine, manifestent la force de cette loi d’hérédité, qui transmet le mal plus aisément que le bien et qui devient de plus en plus la formule scientifique d’une vérité que les religions ont pressentie,

  1. Combe, On the management of infancy, p. 76.
  2. Voyez Annales méd.-psychol., 1879, I, p. 48. De l’alcoolisme des parents considéré comme cause d’épilepsie chez leurs descendants, par le Dr Hippolyte Martin.
  3. Annales médico-psychologiques, 1857, p. 466.