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h. spencer. — de l’organisation politique en général.

qu’elle oppose à l’altération. Enfin ceci, qui est éminemment vrai d’un organisme individuel, est vrai, moins éminemment peut-être d’un organisme social. Quoiqu’une société composée d’unités discrètes, et dont le type n’est pas fixé par l’hérédité d’innombrables sociétés pareilles, soit beaucoup plus plastique, néanmoins le même principe s’y vérifie. Dès que ses parties sont différenciées, qu’il s’y forme des classes, des corps de fonctionnaires, des institutions réglées, tout cela, faisant corps, résiste aux forces qui tendent à le modifier. L’esprit conservateur qui règne dans une institution séculaire montre chaque jour la réalité de cette loi sociale. Qu’il s’agisse de l’hostilité de l’Église envers la législation qui intervient dans ses arrangements ; qu’il s’agisse de l’opposition de l’armée anglaise à l’abolition de l’usage de l’achat des grades ; ou de la défaveur avec laquelle les hommes de loi ont accueilli la réforme des lois ; on voit toujours qu’il n’est pas facile d’opérer un changement soit dans la structure, soit dans les modes d’action des parties qui ont une fois été spécialisées.

De même que pour le corps vivant il est vrai que ses divers actes ont leur fin commune dans sa conservation, de même il est vrai que ses divers organes ont chacun pour fin de se conserver intacts. Pareillement, de même qu’il est vrai pour une société que la conservation de son existence est le but de ses actions combinées, de même aussi il est vrai que ses diverses classes ou appareils de fonctionnaires ou ses autres parties spécialisées ont chacun pour but principal de se conserver. L’objet considéré comme fin n’est point la fonction à remplir, mais l’entretien de ceux qui la remplissent ; il en résulte que, lorsque la fonction est inutile ou même dommageable, la structure se conserve aussi longtemps qu’elle le peut. L’histoire des Templiers en fut un exemple. De nos jours, nous avons devant les yeux l’exemple bien connu des corporations de Londres, qui ont cessé de remplir leurs fonctions primitives, mais qui n’en conservent pas moins leur organisation avec un soin jaloux, sans autre but que la satisfaction de leurs membres. Les comptes du Livre noir des sinécures qui ont survécu jusqu’à une époque récente en fournissent aussi d’innombrables exemples.

Nous ne saurions évaluer complètement la force qu’une organisation oppose à la réorganisation qu’après avoir reconnu que sa résistance augmente en progression composée. En effet, en même temps que chaque partie est un obstacle nouveau au changement, la formation de cette partie suppose une diminution subie par forces causes de changement. Si, toutes choses restant les mêmes, la structure politique d’une société subit un développement nouveau ;