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leur position, leur mobilité et leur usage, ont le plus souvent l’occasion d’exercer leur sensibilité. » Mon opinion est qu’on peut supprimer le peut-être. Voici ce que j’écrivais dans ma Théorie générale de la sensibilité[1] :

« La connaissance de la topographie corporelle a donc été acquise, grâce au sentiment de l’effort ; elle s’acquiert plus ou moins lentement suivant la disposition des membres. La conformation la plus avantageuse pour obtenir rapidement cette connaissance est, sans contredit, celle qui permet à l’animal de se toucher lui-même, car il a ainsi continuellement à sa disposition les instruments de ses expériences. Sous ce rapport, le corps de l’homme est certainement l’un des mieux organisés ; car nos mains peuvent se promener sur tout notre corps ; et de plus, comme nous avons dix doigts, nos progrès sont plus accélérés que si nous n’en avions qu’un (à la façon de l’éléphant, par exemple).

« Cette propriété du toucher permet donc, la localisation des impressions. Cette localisation est d’autant plus rapide et plus précise en un point déterminé que ce point est naturellement touché plus souvent et par un instrument plus précis ; la délicatesse du bout de la langue en est une preuve. De là, comme conséquence, la faculté localisatrice est plus grande dans les plis et sur les faces internes des membres que sur les faces externes. Nous avons vu plus haut que les parties externes devaient être naturellement plus sensibles à la pression ; nous voyons maintenant pourquoi les parties internes, surtout celles qui se touchent elles-mêmes, ont une faculté de localisation plus exquise. Ainsi le dos de la main sentira des pressions très légères ; mais vous ne pourrez désigner avec précision l’endroit touché, tandis que la paume de la main, moins sensible à la pression, vous avertit immédiatement de la situation du point de contact. »

Je me permets de continuer la citation :

« La localisation est donc un effet de l’exercice. La finesse du toucher chez l’aveugle vient à l’appui de cette proposition. Il est possible et même probable que c’est le manque d’exercice qui rend certaines parties de notre corps inaptes à la localisation ; mais, en les exerçant de nouveau, on peut, aujourd’hui encore et assez rapidement, en modifier les aptitudes. Nous nous rappelons avoir fait nous-même la fameuse expérience des deux pointes de compas que l’on promène sur toutes les parties du corps ; après un quart d’heure d’épreuves, notre avant-bras avait beaucoup gagné en faculté localisatrice, et, chose remarquable, l’autre avant-bras, qui n’avait pourtant pas été l’objet de notre sollicitude, avait progressé en même temps que son frère. Volkmann a rassemblé à ce sujet des faits extrêmement intéressants qui s’expliquent de cette façon. Telle est la cause de la répartition sur le corps des cercles de sensation de Weber.

« La faculté de localisation, que nous devons au sens du toucher,

  1. Bruxelles, Muquardt, 1876, p. 99.