Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, X.djvu/665

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
655
analyses. — rosenkranz. Von Magdeburg bis Königsberg.

existaient deux éditions de ce Titurel qui ne cessait de l’occuper.

Quand Rosenkranz partit pour Heidelberg, il fat recommandé par Hinrichs à Daub et bientôt accueilli chez celui-ci. Daub avait toujours sur sa table de travail un calendrier, un Nouveau Testament dans le texte original et la Phénoménologie, qu’il appelait le premier livre de philosophie. Ainsi, là encore, il retrouvait ce Hegel, pour lequel il s’était tant passionné déjà à Halle. Jamais personne, de son propre aveu, n’a exercé sur lui une plus grande influence que le professeur de Heidelberg. Il éprouvait pour lui du respect, de l’amour, de l’admiration, tant à cause de son noble caractère que de sa science solide. Heidelberg, a ce moment, offrait trop de distractions pour qu’on se livrât à des études sérieuses. On voulait jouir de ce site enchanteur ; on faisait des excursions à Schwetzingen ; on allait, un dimanche, en bande nombreuse, entendre un acteur célèbre à Mannheim ; pourtant le lundi matin on était exact au rendez-vous sur les bancs de l’université. Wunderlich, Wippermann, Parow, Kugler, le romantique, comme il l’appelle, à la fois artiste et poète, furent ses amis. La manière subite dont le premier fut enlevé à la table commune et à ses camarades mérite d’être mentionnée. Wunderlich était de Lubeck ; il était venu faire son droit, attiré par les célèbres professeurs Mittermeier et Vangerow. Tout à coup, l’idée lui vint de suivre un cours sur la philosophie de Schelling, et voici la raison qu’il en avait écrite à son père et que sans doute il croyait sans réplique : « C’est qu’elle résout en identité l’antithèse du réalisme et de l’idéalisme par l’indifférence de l’absolu, la nature passant par l’homme à l’histoire et l’histoire par l’art retournant à la nature. » Ces belles raisons eurent un prompt effet sur l’esprit du père ; il vint s’installer à Heidelberg, ne quittant plus son fils qu’il n’eût passé son examen de droit. Comme Wippermann, profitant d’une bourse (stipendium) de famille, prolongeait indéfiniment ses études, il fut rappelé subitement par les siens. Rosenkranz retrouva son cher Kugler à Berlin, professeur et conseiller de ministère. Quant à ce pauvre Parow, balafré dans un de ces duels sauvages si fréquents aux universités allemandes, où, sous les plus futiles prétextes, l’on se bat pour le simple plaisir de se battre, il nous est représenté comme une nature aux aspirations les plus élevées, luttant héroïquement contre un corps malade. Nos deux amis quittent Heidelberg ensemble ; Rosenkranz revoit avec lui le Harz, et par un jour de mauvais temps, à l’hôtel, à Hagen, pour se distraire, ils jouent ensemble au système de Hegel, appliquant sa trichotomie à tout ce qui leur passait par la tête.

Voici Rosenkranz, de retour chez son père, toujours censé se préparer pour son examen de candidat en théologie, mais plus occupé d’autres études. Je vous le donne en cent de deviner ce qui mit enfin un terme à cette situation équivoque et ce qui l’amena franchement aux études philosophiques : ce fut l’Histoire de la grande armée de Ségur. Il l’avait vue chez un bouquiniste, il l’avait feuilletée et achetée aussitôt. Le matin il travaillait à sou Titurel, l’après-midi il piochait le