Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, X.djvu/667

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
657
analyses. — rosenkranz. Von Magdeburg bis Königsberg.

Parmi ses collègues, outre Ritschl, il se lia surtout avec son ancien maître Hinrichs ; ils devinrent inséparables, se promenant toujours ensemble, quand la mauvaise santé de Hinrichs ne s’y opposait pas. Tholuck aussi, le professeur de théologie dont il a déjà été question, assistait quelquefois à son cours et venait le prendre pour se promener avec lui ; mais une discussion religieuse mit bientôt fin à ces rapports. Rosenkranz y ayant lâché le mot ancien protestantisme, Tholuck lui demanda quel était donc pour lui le protestantisme nouveau. La réponse fut : celui qui ne croit ni aux miracles, ni aux anges, ni au diable. Il n’en fallut pas davantage ; avec des vues si diamétralement opposées, on ne pouvait s’entendre.

Malgré sa vocation bien décidée pour la philosophie, il voyait, comme pour la théologie, les côtés où elle prêtait à la satire. Nicolaï s’était moqué dans ses romans de l’apriori et de l’aposteriori de Kant. Fichte et Schilling à leur tour s’étaient moqués de Nicolaï. Rosenkranz, sachant encore assez bien dessiner, fit une caricature où Kant planait sur un nuage, le monde transcendantal ; il était représenté sous les traits du grand Frédéric, un jonc à la main, l’impératif catégorique ; puis venaient les grands et petits philosophes avec des poses caractéristiques et des vers symboliques. Quand tout fut fini, il assembla ses collègues, Hinrichs, Bohtz, Loof, et avec une baguette leur en fit la démonstration : « Ici, messieurs, vous voyez la véridique et fidèle Histoire de la philosophie allemande. Là, au milieu, vous apercevez un petit homme, le grand Kant de Kœnigsberg, qui a réussi à monter au ciel, non par un miracle, mais grâce à ses trois postulats, etc. »

Un après-midi, il alla avec Hinrichs chercher Bohtz pour la promenade. La porte de sa chambre était fermée et, pourtant ils l’entendaient parler tout haut. Ils allèrent au jardin ; les fenêtres étaient ouvertes de ce côté. Ils virent Bohtz devant une table sur laquelle étaient posés debout une série de volumes : c’étaient les livres des philosophes contemporains : Bohtz était censé avoir ces philosophes eux-mêmes devant lui et leur faisait passer un examen. « Dis-moi, Schulze, qu’est-ce que la chose en soi ? » Schulze disait que ce n’était rien du tout. La même question fut adressée à Mussmann. Pour lui, ce n’est ni la chose de Kant, ni la chose de Hegel : sa chose à lui est une tout autre chose. Par le fait, ce n’est pas une chose ordinaire. Par le fait, elle se distingue de la manière la plus avantageuse des choses de tous les autres philosophes. Salât, lui ayant donné quelques mauvaises réponses, fut mis à la porte de l’école, c’est-à-dire que Bohtz prit son livre et le jeta dans un coin. Quand il nous entendit rire aux éclats et nous aperçut, il fit chorus avec nous.

Nous ne pouvons suivre notre auteur dans ses relations avec ses autres amis, si agréable qu’en soit le récit. Pour finir, nous préférons relever certains jugements relatifs soit à l’enseignement, soit aux questions les plus ardues de la métaphysique : Dieu, la vie future, les causes finales, soit enfin à quelques-uns de ses auteurs de prédilection. Tout