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analyses. — rosenkranz. Von Magdeburg bis Königsberg.

mes, s’ils sont si sûrs d’arriver par la mort à la vie bienheureuse, cherchent-ils à conserver aussi longtemps que possible cette misérable existence, comme ils l’appellent ?

« C’est avec pleine conviction que je me rangeai de l’avis de Spinoza, que Dieu, en tant que nous le connaissons, nous ne pouvons que l’aimer, et que notre pensée comme vrai, notre volonté comme bien, ne sont différentes de sa pensée et de son vouloir que quant à la forme. Pendant plus de cinq ans, je me suis de plus en plus confirmé dans cette manière de voir. Depuis cette époque, j’ai entièrement perdu le besoin de l’immortalité pour ma personne. Plus tard, à cause de cette croyance, j’ai passé par de rudes luttes philosophiques ; mais je mentirais si j’affirmais que la cessation de mon existence par la mort, dont je suis si près aujourd’hui, me paraîtrait un malheur. Comme, à cette époque, je m’habituai pendant des années à trouver le but de la vie humaine immédiatement en moi-même ; comme, pour moi, ce que l’orthodoxie de toutes les confessions appelle félicité ne faisait qu’un avec la production et la jouissance du vrai, du beau et du bien ; comme, pour fonder la moralité, j’avais depuis longtemps donné congé à tout eudémonisme, cette indifférence à l’égard d’une continuation de durée de ma personne après la mort prit de si profondes racines chez moi, que je ne l’ai plus perdue, quoique je n’aie plus comme alors l’audace de prétendre démontrer la non-immortalité.

Quant à la représentation du panthéisme, qui dit que notre âme se perd dans l’unité du tout, que le moi s’abîme dans l’âme du monde, je n’en pouvais rien faire. Pour qu’il y ait immortalité, il faut qu’elle implique l’individualité et la conscience propre. Comparée aux postulats de Kant, l’Ethique de Spinoza me paraissait d’une sublimité infinie. »

La question des causes finales l’a aussi occupé vivement ; mais, dans ce qu’il nous en donne ici, on ne voit pas nettement quelle est sa doctrine. Ses idées sont celles qui l’occupaient à l’époque où, étudiant à Berlin, il lisait le livre de Fries sur la philosophie mathématique. Voici les deux manières de considérer la chose, mais entre les deux nous restons en suspens, sans que l’auteur fasse rien pour nous tirer d’embarras :

« Les éléments des minéraux donnent la matière avec laquelle la plante s’édifie, mais ils sont parfaitement indifférents à cet emploi. La plante offre aux animaux herbivores la nourriture qui leur est conforme, mais elle ne pousse pas pour être mangée par eux. Est-elle mangée ou non, c’est pour elle un sort accidentel. Les animaux se comportent de la même manière entre eux. La brebis vit immédiatement pour elle, non pour le loup. La chaleur que le soleil produit est vantée comme source de la vie. Mais où il n’y a pas de vie, comme dans la lune, le soleil luit en vain. On ne doit donc pas dire que le soleil a pour but de provoquer et de conserver la vie. En tant que soleil, il est entièrement indifférent à cet effet. »