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f. paulhan. — la personnalité.

chologique ne seraient que des hypothèses probables si l’observation ne les confirmait pas et se taisait à cet égard. L’inutilité et l’incompréhensibilité de la théorie contraire viennent d’ailleurs confirmer et rendre pour ainsi dire sûrs les premiers résultats.


II


J’ai attribué l’unité et l’identité du moi à la façon dont sont groupés les phénomènes de conscience et à la façon dont ils sont représentés dans d’autres phénomènes psychiques. S’il en est ainsi, si dans des conditions différentes les phénomènes se groupent, se produisent d’une autre manière, il est possible que l’unité et que l’identité du moi disparaissent. Et c’est en effet ce que nous montrent de nombreuses observations. Des conditions physiologiques peuvent détruire l’unité et la continuité du moi.

Les troubles dans l’unité du moi se manifestent par une scission dans l’individu ; ou bien cette scission est réelle, et deux séries psychiques s’établissent l’une à côté de l’autre, ou bien elle est idéale, et le malade attribue à un autre des phénomènes faisant partie de la série psychique qui constitue son moi. Dans le premier cas, la destruction de l’unité est évidente. Dans le second cas, la destruction de l’unité de la personnalité se montre en ceci que le malade attribue à deux personnes ce qui en réalité n’appartient qu’à une.

On ne peut expliquer comment une substance simple qui se connaît elle-même pourrait attribuer à une autre ses propres actes. De plus, on voit que l’idée de l’unité disparaît précisément quand le rapport d’un phénomène avec les autres phénomènes qui constituent le moi ne peut pas s’établir facilement.

Premier cas. — M. Taine, dans sa préface du livre De l’intelligence, cite le fait suivant. Il se reproduit assez fréquemment, et, si je n’en ai pas vu d’exemples, j’en ai entendu citer par des témoins oculaires dignes de foi. « J’ai vu une personne, dit M. Taine, qui en causant, en chantant, écrit sans regarder son papier des phrases suivies et même des pages entières, sans avoir conscience de ce qu’elle écrit ; âmes yeux, sa sincérité est parfaite ; or elle déclare qu’au bout de sa page elle n’a aucune idée de ce qu’elle a tracé sur le papier ; quand elle le lit, elle en est étonnée, parfois alarmée. L’écriture est autre que son écriture ordinaire. Le mouvement des doigts et du crayon est raide et semble automatique. L’écrit finit