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ANALYSES ET COMPTES-RENDUS




H. Marion. — De la solidarité morale. — Essai de psychologie appliquée. — Paris, Germer Daillière. 1830.

« De quelque façon que l’on puisse, en métaphysique, se représenter le libre arbitre, les manifestations en sont, dans les actions humaines, déterminées, comme tout autre phénomène naturel, par les lois générales de la nature. » Ces paroles de Kant, qui servent d’épigraphe au livre dont nous rendons compte, indiquent, nous dit l’auteur, mieux que toute autre, l’esprit de cette étude.

C’est en effet l’éternel problème du libre arbitre qui a attiré l’attention de M. Marion. Seulement, au lieu de reprendre les arguments débattus depuis tant de siècles par tant de métaphysiciens, au lieu de s’aventurer dans le labyrinthe où tant d’autres avant lui se sont perdus, M. Marion s’attache à un côté de la question que les philosophes ont négligé jusqu’ici, quoiqu’ils en aient souvent, compris et indiqué l’importance.

Entre les déterministes et les partisans du libre arbitre, adversaires d’ailleurs irréconciliables, il y a une proposition qui est mutuellement accordée : c’est que les actions humaines dépendent en quelque mesure (c’est en cherchant à fixer cette mesure qu’on se divise) de certaines influences ou lois générales. Bien peu de philosophes, si même il y en a, parmi les spiritualistes les plus décidés, ont regardé l’homme comme maître absolument et sans réserve de ses actions et ont cru que la liberté ne connaît pas d’obstacle. La plupart savent qu’elle est limitée et parfois même impuissante. Mais, précisément parce qu’on est d’accord sur ce point, personne n’en parle. Les déterministes se taisent, parce que, comme il arrive toujours, ils se soucient bien moins de ce qu’on leur accorde que de ce qu’on leur refuse. Ils veulent tout, ou rien : il s’agit bien moins pour eux de montrer les causes qui limitent la liberté que d’établir qu’il n’y a point de liberté. Les partisans du libre arbitre sont muets, parce que, après tout, ce n’est pas leur affaire de développer les thèses de leurs adversaires, et qu’ils ont une tâche plus urgente. Quand on est retranché dans un coin de terre qu’il faut défendre pied à pied contre les incursions d’adversaires toujours pressants, on n’a guère le loisir de se promener en pays ennemi et de décrire ce qui s’y trouve. Aussi les partisans du libre arbitre se