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analyses.jacoby. Die Idee der Entwickelung.

tales le physicien rencontre une chose matérielle qui remplit les inter-mondes : l’éther.

L’existence de ce corps impondérable n’est plus une pure hypothèse. Elle est démontrée par le fait de la propagation des rayons lumineux qui nous viennent des étoiles fixes à travers les espaces interplanétaires. Ce fait de propagation, inexplicable dans l’hypothèse du vide, atteste donc au moins une propriété essentielle de l’éther cosmique, l’élasticité de cette matière subtile. Est-il besoin de rappeler que les théories principales de la physique contemporaine reposent sur cette vérité ? D’après les savants les plus autorisés la chaleur, l’électricité, le magnétisme ne s’expliquent que par des mouvements diversement complexes de l’éther. Aux lieu et place de ce phénomène beaucoup d’esprits préfèrent imaginer des vibrations très-petites de la matière pondérable : une récente expérience du savant Tyndall réduit à néant cette supposition. Dans ses recherches sur la combustion par les rayons invisibles ce physicien a observé qu’on peut au foyer de semblables rayons produire toute espèce de combustion ordinaire, sans que l’air ambiant du foyer éprouve aucune élévation de température : un thermomètre à air placé à ce même foyer reste stationnaire, parce que l’air en effet est transparent aux rayons de chaleur. C’est donc l’éther, et non pas l’air, qui est la substance absorbante de ces rayons[1]. Allant plus loin, M. L. Jacoby déclare que cet éther, imperceptible selon la croyance commune, est au contraire directement perçu par le sens de la vue. Ce qu’on appelle la vision d’un objet matériel n’est que la perception indirecte de ce corps à travers un milieu donné. En ce sens on ne voit pas l’éther, puisque voir désigne un acte médiat des sens, mais on n’en a pas moins une perception immédiate et directe par l’impression lumineuse que cet agent produit sur la rétine. De même que par les autres sens nous sommes en contact immédiat avec des choses matérielles, de même par la vue nous saisissons cet éther sans intermédiaire, nous le touchons avec la rétine : s’il est invisible, c’est parce qu’il est la condition de la vision, c’est-à-dire de la perception médiate et indirecte des autres objets matériels. On ne voit pas toujours l’air ambiant, conducteur du son, et pourtant le bruit suffit à nous prouver la matérialité de l’air : ainsi la lumière-sensation prouverait à elle seule la matérialité de l’éther. L’éther, agent de transmission de la lumière et de la chaleur, se distingue des corps chauds et lumineux, comme l’air, agent de transmission du son, se distingue des corps sonores.

Or, dans toutes les directions l’éther nous apprend à des distances incalculables tout ce que nous savons des corps les plus éloignés : on devra donc reconnaître au nom de l’expérience que l’éther est partout et pénètre intimement tous les corps. En conséquence « nous sommes contraints en ce qui concerne le monde entier de tenir le concept d’espace pour une entité fausse, vide de sens, et sans objectivité. »

  1. Tyndall. Fragments of science, VIII.