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analyses.mario. Teste e figure.

nient de nier la liberté humaine, fait incontestable aux yeux des sciences morales éclairées par l’expérience. Celles-ci se présentent comme les plus élevées des sciences de la nature ; car l’humanité est un ensemble de forces, analogues aux autres forces, et la raison humaine n’est en rien différente dans son essence de la chaleur et de l’électricité. Une cosmologie et une psychologie, voilà toute la science ; pourvu qu’on n’oublie pas que l’individu n’est rien sans la société, de qui il reçoit tout, et qu’on voie dans la psychologie la théorie de l’esprit collectif, c’est-à-dire une idéologie sociale. L’idéologie sociale est c le prisme qui décompose en couleurs distinctes et éclatantes la pâle lumière de la psychologie interne. » Le moi pur est une abstraction ; seul le développement de la pensée dans le temps et dans l’espace offre à la science un objet concret et saisissable.

En raison de l’époque déjà assez lointaine où Cattaneo énonçait de telles idées, on comprend que son historien ait pu les considérer comme originales. Mais quand on voit comment Cattaneo lui-même les a appliquées à l’histoire, on se demande si elles n’étaient pas plutôt dans son esprit de vagues généralités que des théories définies et systématiques. Homme de style avant tout, Cattaneo a trouvé dans l’histoire un magnifique thème à des développements littéraires. Une sorte de trilogie, thèse, antithèse et synthèse, est au fond de tous les drames politiques ; poser, entretenir et absorber des contradictions, telle est la vie des sociétés, et plus une société renferme dans son sein de contradictions conciliées, réduites à une unité supérieure, plus cette société est civilisée. Ici encore rien de bien nouveau après Hegel : en tout cas rien qui ressemble à une véritable psychologie des nations.

Parmi ceux qui ont continué en Italie l’œuvre de Cattaneo, M. Mario cite Roberto Ardigò. La différence est grande entre ces deux hommes. Le dernier est un philosophe ; son ouvrage intitulé Psychologie positive a des mérites de divers genres ; la pensée en est précise et personnelle, l’érudition solide, le style vigoureux, l’inspiration générale résolument scientifique[1]. Cattaneo, au contraire, avec son dynamisme inconscient, manque de critique. Il semble avoir abordé les études philosophiques après une préparation très-insuffisante. Il ne sait pas lui-même exactement la portée de ses assertions les plus graves. C’est un publiciste, un économiste, un politique dont nous n’avons pas à discuter la valeur, Ce n’est pas un philosophe proprement dit. Tel du moins il nous apparaît à travers l’article de son biographe ; car M. Mario a oublié de nous indiquer quels sont ses ouvrages, ainsi que le lieu et la date de leur publication : ce seul détail donne la mesure de la biographie elle-même et de l’exactitude des renseignements qu’on en peut tirer.

A. E.
  1. Voir sur cet ouvrage la Revue philosophique, du 1er  mai 1877, p. 534, tome III.