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analyses.fournié. Essais de psychologie.

Dr Édouard Fournie. — Essai de psychologie. La bête et l’homme. Paris, Didier : in-8, XVI-566 pages.

Il est assez difficile de dire quel est l’objet de cet ouvrage. Une comparaison entre l’animal et l’homme est annoncée par le titre ; mais l’introduction promet toute autre chose et en effet il n’est question de l’animal pour la première fois qu’à la 144e page, et comme en passant. Il est vrai qu’ensuite on revient assez souvent à la comparaison annoncée ; mais nous ne pouvons croire que l’auteur ait pensé résoudre le problème si difficile de l’instinct par un aussi petit nombre d’observations. Quelques anecdotes concernant le chien du docteur Fournie ne peuvent suffire à constituer toute une psychologie du règne animal. Ce qui parait avoir été le but de l’auteur, c’est d’exposer une sorte d’encyclopédie psychologique et de montrer que lui seul, le premier, est en état de résoudre toutes les questions de cet ordre, quelles qu’elles soient, par l’accord enfin réalisé dans sa pensée de convictions spiritualistes très-énergiques, avec une suffisante connaissance de la physiologie du système nerveux chez les vertébrés supérieurs. Mais cette prétention de commencer la philosophie et même la physiologie (pages 25, 80, 85, 88, 101, 130, 175, 216, etc.), ne parait pas toujours suffisamment justifiée ; car nous avons déjà entendu dire que la différence entre l’animal et l’homme consiste en ce que le premier n’a que des « notions sensibles », tandis que le second a des « notions intelligentes, » ou quelque chose d’approchant ; et les expériences dans lesquelles on détruit une partie de l’encéphale ou de la moelle pour voir quelles sont les fonctions abolies par la lésion, ne sont pas non plus absolument nouvelles, quoique M. Fournie y ait contribué pour sa part. D’autre part l’étude du langage a déjà été plusieurs fois employée par les philosophes à l’analyse de la pensée : nous n’avons pour notre part rencontré aucune lumière nouvelle sur la nature de l’âme dans le chapitre intéressant, bien qu’inattendu, que l’auteur, médecin à l’institution nationale des sourds-muets, consacre aux effets psychologiques de la surdi-mutité.

Il y a cependant quelque chose de tout à fait personnel dans cet ouvrage, c’est le vocabulaire et le style. On peut dire qu’aucun des termes n’y est pris dans la signification habituelle. Il en résulte une extrême fatigue pour le lecteur, fatigue qui n’est pas toujours compensée par de sérieux avantages. Par exemple nous ne voyons pas ce qu’on gagne à dire que nous avons dans la tête « quelque chose de un qui sent le plaisir, la douleur, le vrai, le bon, le beau, le juste, le temps, l’espace, tout enfin » (p. 12), ou encore (p. 223) que nous avons « le pouvoir essentiel, caractéristique de sentir l’intelligent moral et l’intelligent scientifique : le vrai, le bien, le mieux, le juste, Dieu, le temps, l’espace ; » alors surtout que l’on a pris tant de soin pour exclure la notion sensible des plus hautes manifestations de l’intelligence humaine. Il est bon de définir les termes et cette définition est libre jusqu’à un certain point ; mais encore faut-il, que les définitions soient claires et n’aient pas besoin d’être définies.