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LES PRINCIPES DIRECTEURS


DES HYPOTHÈSES[1]



I

Un élément d’expérience se trouve au début de toutes les opérations de la pensée. Un fait est observé ; son explication est l’objet d’une hypothèse qui devient l’origine d’observations nouvelles ; mais qu’est-ce qui guide la pensée dans le choix entre les conjectures en nombre indéfini qui peuvent s’offrir à elle pour l’explication des faits ? Ici interviennent certaines idées régulatrices qui sont les principes directeurs des hypothèses fécondes. Nous les étudierons d’abord dans les sciences particulières, puis dans la science en général.

Lorsque l’objet d’une science particulière a été déterminé, il en résulte une direction précise pour la recherche : on sait dans quel ordre d’idées il faut chercher l’explication des phénomènes, et on ne cherche plus ailleurs.

La physique, au sens le plus général de ce terme, c’est-à-dire la science du monde inorganique, cherche maintenant toutes ses explications dans les divers agrégats et les divers mouvements d’une matière résistante mais inerte. Aucun savant de nos jours ne recourra pour l’explication des phénomènes à l’idée que la matière a des qualités psychologiques, des affections, des répugnances, idées qui avaient cours au xvie siècle, et dont on trouve la trace jusque dans les écrits de Bacon. La science contemporaine n’admet pas non plus, comme on le faisait encore au début de notre siècle, des propriétés spécifiques propres à différentes matières et à différents fluides. Si l’on sépare la partie objective des phénomènes des sensations qui leur correspondent, la disposition des corps et leurs mouvements doivent tout expliquer, en partant de l’idée que le corps ne modifie jamais par lui-même son propre mouvement. À cette

  1. Voir la Revue philosophique, tome II, pp. 49 et 113 ; tome III, p. 371.