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naville. — principes directeurs des hypothèses

n’avaient plus voulu d’autres guides que l’observation et l’expérience. Cette méthode les avait conduits à établir entre les différentes parties des sciences des distinctions bien tranchées qui faisaient de chacune un tout complet et isolé. Ainsi, la lumière, la chaleur, l’électricité, le magnétisme, l’affinité chimique, étaient considérés comme les effets d’agents distincts doués de propriétés spéciales. Ce n’est pas à nous, qui en avons largement profité, de méconnaître les grands résultats qu’a produits, entre les mains de tant de savants illustres, cette analyse rigoureuse et serrée des phénomènes de la nature.

Mais, à partir de 1815, une nouvelle direction est imprimée à la marche de la science : au besoin de distinguer vient se substituer celui de rapprocher. Deux faits scientifiques sont la première manifestation de cette nouvelle tendance, et inaugurent brillamment le début de ce demi-siècle dont nous touchons aujourd’hui le terme. Je veux parler des recherches si remarquables par lesquelles Fresnel réussit à démontrer d’une manière irréfragable « ce qui n’était encore que soupçonné, à savoir que la lumière n’est que le résultat d’un mouvement, et de l’importante découverte par laquelle Œrsted parvint à établir la liaison entre l’électricité et le magnétisme. Ce fut là le double point de départ des nombreux travaux qui, aboutissant de nos jours à la théorie mécanique de la chaleur, ont fait découvrir entre les différentes forces physiques des rapports multipliés, et substituer dans l’idée qu’on doit se faire de leur nature, la notion de mouvement à celle d’agents distincts. Nous pouvons même entrevoir déjà le moment où elles arriveront à n’être plus considérées que comme des modifications d’une force unique, et où un nouveau Laplace pourra, comme l’auteur de la mécanique céleste l’a fait pour les phénomènes du ciel, ramener aux lois de la simple mécanique tous les phénomènes de la nature inorganique[1]. »

Laplace avait signalé lui-même, soit dans son Calcul des probabilités, soit dans son Exposition du Système du Monde, la possibilité d’arriver un jour à ramener à l’unité supérieure d’une mécanique universelle le mouvement moléculaire et le mouvement des astres.

L’importance exceptionnelle des travaux de Fresnel doit fixer l’attention sur les procédés logiques à l’aide desquels il a établi, ou plutôt, ainsi qu’il le reconnaît lui-même loyalement, renouvelé et

  1. Discours prononcé, le 21 août 1856, à l’ouverture de la quarante-neuvième session de la Société helvétique des sciences naturelles, pages 3 et 4.