Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, IV.djvu/166

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
156
revue philosophique

Avec Socrate commence donc un nouveau procès dialectique, lequel se développe dans les philosophies de Platon et d’Aristote. Le concept, ou idée générale, à la fois un et multiple, apparaît comme la conciliation des éléments auxquels aboutissait la philosophie antérieure. Mais à son tour il laisse bientôt entrevoir qu’il est incapable de tout expliquer. L’idée d’activité et de personnalité, qui avait fait prématurément une première apparition avec les cyniques, se développe chez Aristote et tend à constituer une philosophie opposée à la science du général. Aristote considère la forme ou substance suprême comme possédant une unité absolue, supérieure à l’unité relative des concepts généraux ; et en même temps il admet que cette substance se connaît elle-même et est connue par l’homme. Il y a donc un objet de connaissance et une mesure de la vérité supérieure au concept général. Dans l’ensemble de la philosophie d’Aristote les idées de différence propre et d’activité personnelle viennent contredire la suprématie de l’élément logique. Aristote nie que la vertu soit une et puisse s’apprendre ; et il revendique pour la morale cette existence distincte, que ses prédécesseurs viennent d’assurer à la métaphysique.

L’opposition du concept et de l’activité ne pouvait être levée dans la seconde période, dont le principe était la souveraineté de la science, l’identité de l’être et de l’idée. Avec les Stoïciens et les Épicuriens apparaît une troisième philosophie, qui se place d’abord sur le terrain moral, et qui voit dans le souverain bien la réunion et la réconciliation de la science et de l’activité personnelle.

En même temps que la philosophie s’enrichit ainsi matériellement, elle fait, du côté de la forme, des progrès correspondants.

Au dogmatisme pur et simple de la première période se substitue, dans la seconde, une marche méthodique ; la troisième suscite le grave problème du critérium de la vérité. L’esprit passe ainsi, peu à peu, de la considération de l’objet à celle du sujet, appelant ainsi une philosophie critique, qui, au point de vue grec, lui demeure interdite.

Si maintenant l’on essaie de se représenter la place de la philosophie grecque dans l’histoire générale de l’esprit humain, on verra se vérifier plus nettement encore la loi indiquée par la réflexion.

L’hellénisme recherche les principes de la nature, qu’il considère à priori comme une et harmonieuse. Il aboutit à la détermination de deux principes, la matière et l’esprit, qu’il voit diverger de plus en plus, à mesure qu’il les considère plus attentivement. L’hellénisme expire le jour où esprit et matière sont, l’un exalté, l’autre avilie au point de rendre inconcevables l’harmonie et l’unité admises à