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analyses. — hartmann. Erreurs et vérités.

partisans du mécanisme et ceux de la finalité. De l’issue dépendra le triomphe du Matérialisme ou celui de l’Idéalisme ; et la direction toute différente, suivant le cas, que prendra le « développement des peuples civilisés. » C’est au livre récent du botaniste de Marburg, Wigand, le Darwinisme et la science de Newton et de Cuvier » (Der Darwinismus und die Naturforschung Newton’s und Cuvier’s. Braunschweig Vieweg und Sohn. 1874), que M. de Hartmann se plaît à emprunter une bonne partie de ses arguments actuels. Il recommande toutefois à l’avance de ramener « à leur juste mesure les critiques parfois exagérées de Wigand », qui s’attache maladroitement « à défendre une position perdue, la constance de l’espèce. » Malgré ses défauts, « cet ouvrage peut servir à marquer, comme par une borne, la limite à partir de laquelle le Darwinisme a cessé d’occuper la position prépondérante qu’il avait prise en Allemagne. »

À la suite de Wigand, M. de Hartmann commence par analyser le principe fondamental de la doctrine Darwinienne, le principe de la Descendance. Les espèces, selon Darwin, dérivent les unes des autres, comme les individus, par un processus généalogique. À quel signe reconnaître la filiation généalogique ? Bien avant que l’hypothèse de la Descendance eût été inventée et eût conquis droit de cité dans la science, tous les systèmes de classification naturelle avaient admis la parenté idéale des êtres, des espèces. Mais le Darwinisme n’est pas en droit de conclure, sans autre raison, de la parenté idéale à la parenté généalogique. Nos classifications des minéraux, des produits de l’art humain constatent entre les objets des rapports logiques, sans que personne cherche à établir entre eux une.filiation quelconque (17). La dérivation généalogique est loin d’ailleurs de rendre compte de tous les rapports idéaux, que les êtres vivants présentent (21). La parenté idéale dépend de bien d’autres causes que de la seule parenté généalogique. « Celle-ci n’exclut point celle-là… ; elle en découle, bien plutôt comme l’espèce dérive du genre » (24). Tout cela n’empêche pas que la Descendance généalogique ne soit la grande loi qui préside à l’évolution des êtres, en vertu de deux principes irrécusables : omne ovum ex ovo, omne ovumex ovario.

La dérivation généalogique ou la descendance peut s’effectuer de bien des manières. Le darwinisme soutient l’hypothèse du transformisme ; « c’est-à-dire que, suivant lui, une espèce naît d’une autre par une transformation graduelle du type, par une addition de variations infiniment petites. » Mais Kœlliker, d’après l’exemple de Baumgartner, se croit en droit de préférer l’hypothèse de la génération hétérogène, suivant laquelle « le premier œuf de l’espèce nouvelle doit prendre naissance dans l’ovaire d’une espèce parente, par la modification brusque des circonstances embryogéniques dans la première phase de l’évolution » (27). La génération hétérogène ramène à l’idée d’une évolution interne, dont le transformisme a justement pour objet de démontrer l’inutilité. Mais on peut admettre que les