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VI

Si de la nature on s’élève au règne supérieur de l’esprit, on aura à signaler et à décrire tous les degrés et toutes les formes de la laideur morale. Devant étudier plus tard ce sujet en détail, l’auteur ne fait ici que l’indiquer d’une manière générale. Il se borne à des considérations dont le but principal est d’abord de marquer en quoi consiste la laideur, ensuite de résoudre les contradictions apparentes que fait naître la comparaison des deux termes, la laideur physique et la beauté morale, et vice versa. Du moins, c’est ainsi que nous comprenons sa pensée, qui ne nous paraît pas suffisamment précise. Nous devons également le suivre sur ce terrain, qui est toujours celui des principes.

Il fait d’abord cette remarque importante que, dans l’ordre moral, le but absolu est le vrai et le bien, non le beau. Du moins le beau lui est subordonné ; il en est comme dans la nature, où tout est subordonné au but absolu : la vie. « Voilà pourquoi l’idéal de la vie spirituelle, le Christ, par exemple, ne sera pas représenté précisément comme laid, mais non plus comme beau à la manière antique. Ce que nous nommons la beauté de l’âme réside dans la volonté. Une pareille beauté peut habiter dans un corps de nulle apparence et même laid. Le sérieux de la sainteté s’élève au-dessus de l’élément esthétique. Dans la conscience de son excellence, elle ne demande rien à la forme dans laquelle elle apparaît. Les charmes d’une nature bonne et aimable font vite oublier ce qu’il y a de gauche dans les manières, la pauvreté du vêtement, quelques fautes de langage, etc. Mais il est naturel que la vertu et sa bonté morale aient pour conséquence la dignité dans le maintien de la personne. Et ainsi se justifie le mot de Leichtenberg : « Toute vertu embellit, tout vice enlaidit. »

L’auteur généralise cette maxime en ajoutant que tout sentiment moral, toute conscience de la liberté embellit, toute non-liberté (Unfreiheit) enlaidit. La liberté est prise dans son sens le plus étendu, l’absence de contrainte, le développement libre. Ce n’est pas encore la liberté morale proprement dite, mais, selon le langage hégélien, « la détermination infinie ».

Ainsi la liberté, qui dans l’ordre moral est le principe de la beauté, l’est aussi de son contraire la laideur. C’est ce qui déjà se remarque dans le corps lui-même comme organe et instrument de l’esprit. Par lui-même, il n’exprime rien ; mais sa destination comme organe de