Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, IV.djvu/357

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
247
Ch. lotze. — sur la formation de la notion d'espace

serait en un seul point indivisible tous les rayons réfléchis par une surface éclairée ; en ce point il n’y aurait plus à distinguer la position relative des rayons qui s’y trouveraient concentrés et n’y formeraient qu’une clarté unique ; mais au delà de ce point, les rayons reprendraient leur divergence et dessineraient sur un plan opposé la copie fidèle de la surface donnée. Nous comparons aux rayons qui se dirigent vers la lentille les mouvements nerveux qui tendent à agir sur l’âme ; au point de concentration correspond l’unité de conscience ; seule la reconstruction dans l’âme des relations d’espace d’abord anéanties diffère sensiblement de la divergence des rayons qui n’est que la simple continuation d’un mouvement antérieur. Le symbole nous fait ici défaut ; mais cette comparaison ne devait rien démontrer ; elle fait voir seulement la possibilité d’un phénomène dont nous allons bientôt déterminer la vraie nature.

Pourquoi ne pas supprimer, dira-t-on, le fondement sur lequel repose cette argumentation, et ne pas attribuer à l’âme cette étendue que nous avons réservée aux objets matériels ? Nous répondrons que nous ne gagnerions rien en adoptant cette hypothèse, du moins si nous tenons à éviter une autre erreur déjà signalée, celle qui consiste à prendre un fait pour la connaissance de ce fait. Supposons en effet qu’une impression p, agissant sur le point de cette âme étendue, y provoque la sensation , et que, de la même manière, une autre impression , en agissant sur le point , détermine la sensation  ; ajoutons que les deux sensations et ne restent pas séparées comme si elles appartenaient à deux personnes, mais que, par un moyen quelconque, elles parviennent à entrer dans la même conscience : comment ce fait que leurs points de naissance et ne sont pas les mêmes, mais sont séparés par la distance , se révélera-t-il à l’attention de l’âme qui doit s’en apercevoir ? L’impression ne donne origine qu’à la sensation et ne fait pas deviner l’autre sensation qui dans ce moment peut-être n’existe pas ; de même l’impression ne produit que la sensation  ; enfin si et agissent simultanément, sans doute l’âme éprouvera à la fois les deux sensations et  ; mais comment saura-t-elle que et ne diffèrent pas seulement par la qualité, mais par la position ? Peut-être connaît-elle déjà la situation dans l’espace des points et et rapporte-t-elle par suite les sensations et à ces points d’origine ? Mais alors nous supposerions comme déjà donnée cette intuition d’espace dont nous nous proposons précisément d’expliquer la formation, et en outre nous nous heurtons à une nouvelle difficulté. Pourquoi l’âme rapporte-t-elle obstinément la sensation au point et non pas au point , la sensation au point et non au