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lotze. — sur la formation de la notion d'espace

jamais songé à se demander pourquoi les ondes lumineuses se perçoivent sous la forme de couleurs, et non sous celle d’odeurs ou de sons ? Personne, assurément, n’a jamais cru qu’il y eût là un problème à résoudre ; c’est une simple donnée de l’expérience que l’on prend comme telle. Pourquoi ne pas avouer qu’il en est de même de l’intuition de l’espace ? Elle est la forme donnée sous laquelle nous apercevons les relations de certaines multitudes de sensations simultanées ; nous n’avons absolument qu’à déterminer les règles suivant lesquelles nous faisons un usage indéfiniment varié de cette forme générale toujours la même.

Revenons donc à cette tâche, la seule que nous puissions entreprendre et mener à bonne fin. Nous venons de limiter à certaines multitudes de sensations simultanées la localisation opérée par notre imagination. Il y a des cas, en effet, où une sensation principale, , est associée à un certain nombre de sensations accessoires, , , , sans qu’il en résulte une localisation dans l’espace des diverses formes de la sensation , distinguées l’une de l’autre par ces diverses sensations accessoires. Si par exemple , , , désignent les timbres particuliers de différents instruments donnant tous la même note , nous croirons peut-être apercevoir une certaine largeur de ce son , différente de l’intensité plus grande que pourrait lui donner le même nombre d’instruments semblables ; , , , ne se rangent ni à droite, ni à gauche, ni au-dessus, ni au-dessous. On objectera peut-être que , , , n’indiquent pas, dans ce cas, des points nerveux distincts l’un de l’autre, où se produisent les excitations correspondantes aux sensations , ,  ; sans doute, ce sont les mêmes fibres du nerf auditif, qui reçoivent le même son , quel qu’en soit le timbre. Mais cette objection ne suffirait pas pour écarter la difficulté apparente de ce cas singulier ; les vrais signes locaux, bien qu’ils correspondent à divers points excités, ne peuvent cependant pas crier à l’âme, si l’on peut ainsi parler, quel est le lieu de leur origine. Ils ne sont jamais que des sensations de différentes manières d’être, ne représentant à l’âme que l’âme elle-même, et attendant toujours d’être rapportés, par une interprétation spontanée de l’âme, à ces lieux d’origine. On ne comprend donc pas tout d’abord pourquoi les timbres , , , ne suffiraient pas eux-mêmes pour faire entrer en exercice la faculté localisatrice. Faut-il en chercher la raison dans ce fait que ces timbres ne se rangent pas dans une série telle que d’un point quelconque à l’autre, il y ait une distance assignable ? Dans ce cas cette faculté, cette tendance localisatrice, s’il est permis de la supposer, resterait suspendue, ne serait qu’une velléité indécise entre les différentes positions également imagi-