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ribot.m. taine et sa psychologie

de détail, sous la forme systématique que l’auteur lui a donnée. Elle se présente cependant comme l’hypothèse la plus plausible et les observations recueillies dans ces derniers temps, chez les ataxiques, les hystériques et dans quelques cas bizarres, semblent plutôt confirmer qu’infirmer cette interprétation.

À l’étude purement descriptive des sensations, dont il trouvait dans Bain d’excellents modèles, M. Taine en a ajouté une autre plus approfondie : celle des éléments derniers de la sensation. Les travaux de Helmholtz sur l’acoustique et l’optique avaient préparé les voies à cette analyse élémentaire : aussi n’est-il pas étonnant qu’en même temps que M. Taine, Herbert Spencer l’ait essayé d’une manière totalement indépendante dans ses Principes de psychologie IIe partie, chap. 1er ). « La psychologie, dit notre auteur, est aujourd’hui en face des sensations prétendues simples, comme la chimie à son début était devant les corps prétendus simples. En effet, l’observation à son premier stade ne saisit que des composés ; son affaire est de les décomposer en leurs éléments, de montrer les divers groupements dont les mêmes éléments sont capables et de construire avec eux les divers composés. » Bref, il s’agit d’introduire en psychologie une idée analogue à celle des combinaisons chimiques. On sait la distinction que les chimistes établissent entre le mélange et la combinaison. Les psychologues n’ont voulu voir dans les états composés que des mélanges : ils n’ont pas paru disposés à admettre que le composé pût différer par sa nature et ses propriétés des éléments que l’analyse lui assigne. Et, en fait, ce n’est pas par le procédé analytique seul qu’on peut découvrir le résultat d’une synthèse. Mais quand les expériences des physiciens nous montrent une série de bruits discontinus se combiner pour former un état de conscience tout différent que nous appelons un son musical ; quand Helmholtz nous montre que ce caractère particulier que nous appelons le timbre est dû lui-même à l’addition, au son fondamental, de différentes harmoniques, il est difficile d’écarter cette idée, que nos sensations réputées simples sont, comme nous le disions plus haut, des combinaisons psychologiques.

On a reproché à M. Taine d’arriver par là à cette conséquence, que la conscience résulte d’une somme d’inconscients. Si cependant, pour toutes les sensations réputées simples, cette conclusion pouvait être appuyée sur l’expérience, il faudrait bien l’admettre ; puisque, en définitive, l’objection repose justement sur ce principe contestable : que tout état psychologique composé ne peut, ni par sa nature, ni par ses caractères, différer de ses composants. Mais M. Taine admet que la conscience du moi — c’est-à-dire la conscience au sens vul-