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gaire et positif du mot — suppose des sensations élémentaires qui, confinées dans les centres nerveux secondaires, ne sont pas proprement senties ; qui, toutefois, s’ajoutant les unes aux autres, atteignent une intensité et une durée suffisantes pour être perceptibles à la conscience. La conscience résulterait ainsi de la fusion en un seul état d’états infiniment petits. — On peut lui reprocher toutefois de ne pas s’être expliqué suffisamment sur la question difficile que voici : Il est incontestable, à titre de fait, que la conscience existe et qu’elle varie en intensité ; mais, à ses limites inférieures, lorsqu’elle a atteint le minimum perceptible, que devient-elle ? Il n’y a que deux hypothèses possibles à cet égard : ou bien, même à cette limite, la conscience conserve ses caractères essentiels, sa nature invariable ; elle ne peut par aucune espèce de décroissance ou de métamorphose devenir autre ; bref elle est ou elle n’est pas ; — ou bien on peut admettre que par des décroissances successives, elle finit par n’être plus que l’ombre d’elle-même ; son existence n’est plus constatée, mais inférée ; en sorte que des philosophes contemporains ont prétendu suivre les dégradations de cette conscience non sentie jusque dans les végétaux et dans les pierres. — La solution adoptée par M. Taine paraît être : « qu’au-dessous des faits que la conscience atteint, il en est beaucoup d’autres qu’elle ne peut atteindre et que nous sommes obligés de concevoir d’après ceux que nous connaissons, mais sur un type réduit et fragmentaire, d’autant plus réduit et plus fragmentaire que l’action nerveuse qui les provoqua est plus simple… » et ainsi nous descendons « une échelle infinie d’événements moraux analogues, de plus en plus imparfaits, de plus en plus éloignés de la conscience, sans qu’on puisse mettre un terme à la série de leurs dégradations croissantes ; et cet abaissement successif qui a sa contre-partie dans l’atténuation du système nerveux nous conduit jusqu’au bas de l’échelle zoologique. » (Tome I, p. 347). C’est dire assez nettement que la conscience a les mêmes limites que le système nerveux, que là où il manque, elle manque. Cette solution est bien, à notre avis, la plus vraisemblable ; mais elle ne répond point au problème ci-dessus posé et n’est pas à l’abri des critiques. Le partisan de la sensibilité universelle pourra dire que puisque la conscience est simplement supposée dans les formes inférieures du système nerveux, il n’y a pas de raison logique pour ne pas aller plus loin. D’un autre côté, si la conscience a pour condition nécessaire et suffisante l’existence d’un système nerveux, ou, pour parler plus exactement, de centres nerveux, d’où vient qu’elle n’apparaît pas brusquement, dès que ses conditions existent ? Il faut donc considérer l’état de conscience comme une synthèse qui re-