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Afin de mieux comprendre cependant de quelle manière cet appui lui est donné et comment il se fait que la psychologie n’en est pas moins une science parfaitement limitée et indépendante, il convient que nous réfléchissions encore sur les traits distinctifs des recherches psychologiques et sur les particularités de leur objet, considéré relativement aux autres sciences. Commençons d’abord par examiner l’attitude de la psychologie vis-à-vis des sciences naturelles et spécialement vis-à-vis de la physiologie et de la physique.

Prenons comme exemple la lumière : Les phénomènes de la lumière sont sous certains rapports l’objet de recherches en physique, comme en physiologie et de même en psychologie. La physique étudie les processus extérieurs qui occasionnent la sensation de la lumière, la physiologie considère les changements produits dans notre organisme par ces processus, elle réfléchit sur les fonctions des nerfs de la vue mis par eux en mouvement, tandis que la psychologie a pour objet la sensation de la lumière en elle-même, envisagée comme phénomène intérieur dont l’existence nous serait inconnue sans l’aide de la conscience. Il est nécessaire de bien se rappeler de cette différence dans l’objet, pour comprendre non-seulement le caractère distinctif de la psychologie, mais aussi celui des sciences naturelles. Cette différence est tellement fondamentale que même les parties de la psychologie connues en Allemagne sous le nom de Psychologie physiologique et de Psycho-physique touchant de si près aux sciences naturelles ne peuvent être mises au nombre de ces dernières, à cause de la dissemblance complète de leurs caractères. Tous ceux qui s’occupent de psychologie connaissent certainement les recherches et les expériences que Weber et Fechner ont faites et qui les ont amenés à poser et à constater l’existence de la loi psycho-physique dans tout le domaine des sensations. Weber fut le premier à relever l’importance de cette loi pour les impressions fournies par le toucher. Il y arriva à l’appui d’expériences faites avec des poids, et en essayant de déterminer quelle devait être l’augmentation du poids tenu ou posé sur notre main, afin de produire un changement dans la sensation occasionnée par ce poids. Il tâcha donc de fixer au juste le surcroît du poids ne produisant aucune augmentation dans la force de la sensation et de découvrir le rapport qu’il y a entre l’augmentation du poids et celle de la force de la sensation. Quel a été ici l’objet réel de ses recherches ? Est-ce le poids tenu en main ? Nullement, — c’est la sensation occasionnée par ce poids. Ainsi ce n’est pas le phénomène extérieur, ce n’est pas le calcul du poids d’un corps, mais c’est l’effet intérieur produit par l’action du poids. L’erreur, ou pour mieux dire l’inexactitude de notre