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moderne, combien l’intuition sensible est nécessaire à celui qui veut s’orienter au milieu des phénomènes ; avec quelle force elle s’impose sans cesse, et par quels éclatants succès elle se justifie, Et pourtant on a la preuve, que tous ces modes sensibles de représentation ne sont que des auxiliaires pour une construction complète de l’enchaînement causal. Toute tentative pour en tirer une science définitive de la constitution de la matière échoue aussitôt contre des exigences nouvelles, qui obligent le savant à modifier sur de nouveaux fondements l’édifice toujours provisoire de ces constructions sensibles. »

Le génie essentiellement méthodique des Français ne tarda pas à découvrir que, dans la mécanique moderne, « l’atome, considéré comme une particule étendue de matière, joue un rôle tout à fait superflu. » Gay-Lussac concevait les atomes comme infiniment petits par comparaison avec les corps qu’ils composent, Ampère et Cauchy les considéraient comme rigoureusement inétendus. Moigno préférerait, avec Faraday, qu’on ne les désignât que comme de simples centres de force. Weber, Fechner, dans sa théorie des atomes, Redtenbacher même, dans son système des Dynamides, se rallient à des conceptions semblables. Lange se moque agréablement du ton d’oracle avec lequel Bùchner affirme l’existence de la matière. « C’est qu’il est dupe de la représentation sensible du corps, complexe et compacte d’apparence, que le toucher et les yeux nous présentent. Le physicien de profession, du moins le physicien métaphysicien, ne peut faire le plus petit pas dans sa science, sans s’affranchir de ces représentations. »

Les spéculations de la physique, qui volatilisent en quelque sorte l’essence de la masse et de l’atome, sont confirmées par l’autorité des expériences et le succès des inductions de la nouvelle chimie. Ici la théorie a réussi à prédire la découverte de nouveaux corps, et même à en rendre possible la production par voie déductive.

Dubois-Reymond s’appuyant sur les données de la physique et de la chimie, va même jusqu’à soutenir qu’il n’y a ni force, ni matière ; et que ce ne sont là que des abstractions, faites à des points de vue différents. Il faut reconnaître pourtant que, si l’on rejette l’hypothèse des atomes, il n’y a plus de clarté sensible dans les explications ; que, par suite, toute interprétation mathématique du mouvement devient impossible. Mais, encore une fois, le concept de l’atome ne répond qu’à une nécessité toute subjective de l’imagination et de la pensée scientifiques.

Le principe de la conservation de l’énergie, qui remplace celui de