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nolen.l’idéalisme de lange

plus de prix et, par suite, de vérité par l’âme vraiment digne de l’entendre, qu’il s’écarte davantage de la vie, qu’il la contredit et la domine davantage. Ce qui est vrai de l’art, ne l’est pas moins de la métaphysique. « Est-ce que, à vrai dire, les grands systèmes de métaphysique ont jamais rencontré un croyant absolument convaincu ? Là où ce phénomène se présente, comme dans l’école d’Herbart, n’y voit-on pas avec raison le témoignage d’une certaine roideur et étroitesse de pensée ? Combien compte-t-on de Kantiens absolument convaincus ? À peine un seul, même parmi les grands esprits qui contribuèrent le plus à la gloire du système, et furent les instruments les plus efficaces de son succès. Le système de Hegel n’a-t-il pas exercé son action bien au-delà du cercle des disciples du maître, et porté ses meilleurs fruits, là où il a été interprété avec le plus de liberté ? Et que dire de Platon ? La poésie de ses constructions idéales n’a-t-elle pas étendu à travers les siècles sa puissante influence jusqu’à notre temps ? Et pourtant aucun homme, même parmi ses premiers disciples, n’a consenti à leur accorder l’autorité démonstrative, à laquelle ils prétendent. » Gardons-nous bien de revendiquer pour la vérité métaphysique une valeur théorique : ce serait provoquer et justifier les négations du matérialisme.

On ne doit pas non plus regarder les fonctions synthétiques des sens et de l’entendement, qui construisent la science, comme inférieures aux hautes facultés que V esprit déploie dans les libres créations de la métaphysique et de la poésie. Quelque peu conforme que soit la réalité qu’elles nous découvrent, ou mieux qu’elles construisent aux instincts de notre cœur, cette réalité matérielle « est pourtant l’inébranlable fondement de toute notre existence spirituelle… La connaissance nécessaire et générale, que donnent les sciences, forme le seul point d’appui solide, d’où l’individu puisse s’élever à une conception esthétique du monde. »

Qu’on s’habitue donc à considérer les créations de l’idéal, et la connaissance scientifique, comme également indispensables aux progrès de l’homme. Vouloir sacrifier la spéculation à la science, ou celle-ci à celle-là, c’est diviser et affaiblir les forces de l’âme humaine ; c’est provoquer des réactions également funestes. Car l’homme ne renoncera pas plus aux enchantements de l’idéal, qu’il ne parviendra à s’affranchir des dures nécessités de la vie.

D’où viendrait d’ailleurs l’antagonisme de la science et de la spéculation ? La théorie de la connaissance ne nous a-t-elle pas montré que le monde réel n’est qu’un symbole inférieur de la réalité dernière. « La tendance de l’esprit humain vers l’idéal reçoit une force