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nolen.l’idéalisme de lange

ment. Tour à tour Platon, Spinoza, Leibniz, Fichte et Schelling semblent dominer la pensée spéculative de Lange.

Qu’on lise vers la fin du premier volume le curieux et profond jugement qu’il porte sur Leibniz. « La théorie des monades et celle de l’harmonie préétablie ont plus de valeur que maint système largement développé… C’est assurément une pensée grandiose, noble et belle entre toutes, que celle dont Leibniz fit la base de sa philosophie… Les monades et l’harmonie préétablie nous révèlent la véritable essence des choses aussi peu, sans doute, que le font les atomes ou les lois de la nature. Mais, comme le matérialisme, elles donnent une conception du monde claire et systématique, qui ne renferme pas plus de contradictions internes que le système matérialiste. » Et elles sont bien autrement satisfaisantes pour l’imagination.

L’élévation esthétique des conceptions philosophiques de Schiller ne parle pas moins vivement à la foi métaphysique de Lange. « N’avons-nous pas, dans les poésies philosophiques de Schiller, une tentative qui assure à l’idéal une puissance dominatrice, en le reléguant ouvertement et sans hésitation dans le domaine des libres créations de l’esprit ! »

Bien qu’il ne soit pas très-facile de dégager une métaphysique conséquente des déclarations trop souvent contradictoires de Lange, de démêler une préférence décidée à travers les témoignages multiples de sa mobile sympathie, c’est l’idéalisme moral et religieux de Fichte, qui paraît bien être son modèle préféré.

En dépit de certaines propositions sceptiques de sa théorie de la connaissance, Lange ne s’interdit pas plus que Fichte de jeter un coup d’œil sur le monde des « choses en soi » ; et, soutenu par sa foi morale, de soulever un coin du voile qui nous en dérobe le mystère :

« Dans les lois de la nature, nous n’avons pas seulement devant nous les lois de notre connaissance, mais les produits d’une force étrangère, qui tantôt nous domine, tantôt se laisse gouverner par nous. » — « La science n’est pas le moins du monde contrariée dans sa marche conquérante, parce que la foi naïve dans la matière s’évanouit, et parce que, derrière la nature, un monde infini se découvre, qui est peut-être bien la même chose, vue seulement d’un autre côté ; parce que cette autre face des choses parle à toutes les aspirations de notre cœur, et que notre moi y reconnaît la véritable patrie de son être intime, tandis que le monde des atomes et de leurs vibrations éternelles lui paraît étranger et froid. » — « Nous devons donc reconnaître un ordre transcendant