Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, IV.djvu/516

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toutes les aptitudes est souvent aussi compliqué que de déterminer d’avance la teinte exacte que produirait la réunion d’un certain nombre de couleurs placées à côté l’une de l’autre sur une palette.

La connaissance du caractère d’un individu n’est pas assurément chose facile. Déchiffrer un minéral ou une plante est beaucoup plus simple que de pratiquer la même opération sur un homme ou sur une femme. On est même étonné quand on a quelque peu observé, de reconnaître combien il est général de voir qu’on ignore non-seulement son propre caractère, — rien n’est plus difficile que de se connaître soi-même, — mais encore celui des personnes avec lesquelles on vit habituellement. Naturellement, chacun reconnaît bien vite les particularités les plus saillantes d’un individu : la susceptibilité, l’orgueil ou l’entêtement, par exemple, mais cette connaissance intime du caractère, qui fait qu’on connaît toutes les qualités et les défauts, le degré de chacun d’eux, la façon dont ils s’influencent réciproquement, et partant, comment l’individu se conduira dans telle ou telle circonstance donnée qui ne s’est pas encore présentée, voilà ce qui échappe généralement.

À l’égard de certains individus, souvent du reste fort intelligents, cette prévision de la conduite serait trop compliquée pour pouvoir être possible. Leur caractère — et cela pour des raisons que je vais bientôt dire — étant extrêmement variable, leur conduite varie d’un jour à l’autre d’une façon complète. Cette mobilité se rencontre chez les sujets impressionnables, et surtout chez ceux qui à la fois sont impressionnables et ont l’imagination constructive développée. Si leurs variations échappent souvent à un œil peu pénétrant, cela tient à ce que l’éducation, le milieu, les circonstances, et souvent quelque aptitude héréditaire prédominante, les obligent à suivre une certaine ligne, et par conséquent à ne pas agir suivant leur caractère du moment.

Pour bien comprendre que le caractère puisse être souvent fort variable, il faut se rappeler que les facultés intellectuelles et le caractère, en un mot tout ce qui constitue la personnalité de l’individu, ne sont que les résultats d’associations d’idées et de sentiments. On peut comparer ces idées et ces sentiments à des couleurs ou aux objets contenus dans un kaléidoscope, objets et couleurs qui peuvent produire les effets les plus différents suivant la manière dont ils sont associés. On comprend dès lors que chez les individus impressionnables, surtout si leur imagination constructive est développée, les associations d’idées et de sentiments dont l’ensemble forme la personnalité morale puissent varier facilement.

On comprend mieux encore cette variabilité du caractère, quand