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variétés.pomponazzi et ses interprètes italiens

n’est donc pas complètement juste de dire que c’est « en tant que professant de telles opinions, » que le xvie siècle a préparé l’avénement de l’esprit moderne. Les théories qu’il nous a laissées ont servi la cause de la philosophie plutôt parce que ce sont des essais d’affranchissement de la pensée, qu’à cause de leur contenu positif. Celui qui a osé dire qu’en fait de vérité il faut s’en rapporter à la seule raison, — et non à Aristote ou à toute autre autorité, — a évidemment fait faire un plus grand pas à la spéculation que celui qui a soutenu la matérialité de l’âme ou toute autre théorie métaphysique. En philosophie, c’est la méthode qui importe, beaucoup plus que les conclusions dogmatiques. Et c’est en ce sens que Descartes a achevé l’œuvre de la Renaissance, tandis qu’au sens de M. Fiorentino il n’eût fait que la détruire, puisque sa philosophie ne contient ni la négation du transcendant, ni la théorie du processus universel.

Ce jugement est assurément moins systématique, moins net que celui de M. Fiorentino, mais il a l’avantage de tenir compte d’éléments très-divers qu’il est trop facile de simplifier, en les faisant entrer dans une formule partiellement vraie.

Si l’on considère enfin que le xvie siècle, outre les écoles péripatéticiennes de Padoue et de Bologne, a vu fleurir encore l’école platonicienne de Florence, et si l’on compare l’esprit qui inspire les ouvrages de Marsile Ficin avec l’intention dans laquelle M. Fiorentino prétend résumer toutes les tendances de l’époque, on sera frappé de l’étroitesse réelle de sa formule : « L’absence de l’élément métaphysique et divin » ne peut vraiment pas servir de caractère commun à l’œuvre intellectuelle de la Renaissance.

Une exposition impartiale de la philosophie de Pomponace montrerait de même qu’il ne faut peut-être pas admettre sans restriction cette gradation si logique, ce développement de pensée si régulier que l’auteur cherche à établir entre les différents ouvrages de son auteur. M. Fiorentino semble s’être laissé parfois guider par le désir qu’il avait de voir apparaître dans son intégrité la doctrine qu’il regarde, lui, comme la vraie. Son impatience se dissimule à peine quand Pomponace se dérobe devant la conséquence attendue, celle de l’origine matérielle de l’intellect. Il lui reproche sa timidité en vingt endroits, et on n’est pas trop surpris qu’il découvre enfin dans le Traité de la nutrition des raisons plausibles d’affirmer que Pomponace est arrivé à poser cette conclusion si nécessaire. Là encore le philosophe a entraîné l’historien : il fallait bien que la loi de l’évolution hégélienne trouvât sa vérification. Involontairement on se rappelle le jugement de M. Fiorentino sur la manière dont le prof. Prantl interprète Aristote : « Né al dotto critico manca