Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, IV.djvu/588

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
578
revue philosophique

nique. Le possible, l’accidentel n’existent que par rapport à notre entendement. Les cas heureux, dont on parle, sont aussi nécessaires que les autres : car ils dérivent de l’action des mêmes lois.

On le voit, Lange est absolument partisan du mécanisme des darwiniens. Il accepte et célèbre le principe de la sélection naturelle. Il voudrait seulement le compléter par des principes accessoires. « Nous sommes parfaitement d’accord avec Kölliker, sur ce point qu’il faut admettre des causes positives et internes de développement pour les formes organiques. Mais il n’y a rien de surnaturel ou de mystique dans ces lois internes du développement. » Il ne s’agit toujours ici que de principes mécaniques. « L’application rigoureuse du principe de causalité, l’élimination de toute hypothèse obscure sur des forces, qui se résoudraient en purs concepts, doit nécessairement rester notre principe dirigeant dans tout le domaine des sciences de la nature ; et ce qui, dans ce développement systématique de la conception mécanique de l’univers, pourrait mécontenter et blesser notre sentiment, trouvera, comme nous le prouverons amplement, sa compensation sur un autre terrain. »

Le modèle de la fausse téléologie, qu’il combat ici, Lange croit le trouver dans la philosophie de l’Inconscient. Nous avons nous-même, dans notre introduction à la traduction de la Philosophie de l’inconscient[1], signalé les graves défauts de la téléologie de M. de Hartmann. Mais il serait injuste de ne pas tenir compte des corrections que ce philosophe s’est efforcé d’apporter à son œuvre sur ce point, soit dans le chapitre final de son opuscule sur le Darwinisme[2], soit dans l’appendice à la 7e édition de la Philosophie de l’Inconscient, soit surtout dans la seconde et toute récente édition de son ouvrage, autrefois anonyme : « l’Inconscient du point de vue de la physiologie et de la théorie de la descendance[3]. »

Cependant il y a une téléologie légitime. Lange en trouve, dans Kant et dans Fechner lui-même, malgré quelques excès, des exemples remarquables. Du moment où l’on admet que le monde est constitué de telle sorte qu’il comporte une explication mécanique et qu’il est intelligible, alors qu’il aurait pu être disposé de mille autres façons inaccessibles à notre entendement, on reconnaît implicitement qu’il y a une finalité dans les choses. De ce que le mécanisme ne réalise la convenance organique qu’au prix de tâtonnements et d’insuccès sans nombre, il n’en reste pas moins vrai que cette façon d’atteindre

  1. La philosophie de l’inconscient, traduite de l’allemand sur la 7e édition par D. Nolen. Paris, Germer Baillière, 1877.
  2. Le Darvwinisme, traduction de G. Guéroult (idem).
  3. Das Unbewusste vom Standpunkt der Physiologie und Descendenztheorie. Berlin, Duncker, 1877.