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entre ces deux catégories n’est pas encore approfondie, on n’en a pas tiré déjà l’étrange théorie du caractère illusoire des choses sensibles, et la notion de l’être embrasse le double domaine de l’idée et de la perception. C’est ce qu’indique expressément le passage suivant (Brih-âr. Upanishad. II. 3, 1-3) :

« Brahma a deux formes : l’une corporelle, l’autre incorporelle ; l’une mortelle, l’autre immortelle ; l’une limitée, l’autre illimitée ; l’une douée d’attributs distincts, l’autre sans attributs distincts.

« Celle qui est corporelle est celle qui diffère de l’air et de l’atmosphère ; elle est mortelle, limitée, douée d’attributs distincts…

« Celle qui est incorporelle est l’air et l’atmosphère ; elle est immortelle, illimitée, sans attributs distincts[1]… »

Dans une Upanishad postérieure, l’Aitareya Upanishad, III. 1, 3, le panthéisme est encore entendu d’une manière aussi compréhensive et la notion de l’être embrasse tous les modes intellectuels et matériels de l’ensemble des choses.

« Quelle est la nature de cette essence que nous adorons comme l’âtman ?… Il est celui par lequel on voit les couleurs ; celui par lequel on entend les sons ; celui par lequel on sent les odeurs ; celui par lequel on émet la voix ; celui par lequel on distingue ce qui est agréable et ce qui ne l’est pas.

« Ce qui est le cœur et la pensée, la conscience, l’autorité, le savoir, la prudence, la mémoire littéraire, la clairvoyance, l’énergie, la pensée, l’indépendance, la douleur, le souvenir, la notion (des objets des sens), la résolution, les fonctions vitales, le désir, la concupiscence, — tous ces termes servent à désigner l’intelligence.

« Cet âtman, (ce moi qui consiste dans l’intelligence) est Brahma, il est Indra, il est Prajâpati, il est tous les dieux, les cinq grands êtres (les éléments) : la terre, l’air, l’éther, l’eau et le feu, et ce qui est en quelque sorte formé de parcelles ; les différentes semences, les (êtres) qui naissent d’œufs, ceux qui naissent d’un placenta, ceux qui naissent de la sueur, ceux qui poussent (les plantes) ; les chevaux, les bœufs, les hommes, les éléphants, tout ce qui respire, tout ce qui marche, tout ce qui vole et ce qui est immobile. Tout cela a l’intelligence pour guide, tout cela est fondé sur l’intelligence. Le monde est guidé par l’intelligence ; l’intelligence est le fondement (de l’univers) ; l’intelligence est Brahma[2]. »

  1. Dve vâva brahmano rûpe mûrtam caivamûrtam ca martyam câmrtam ca sthitam ca yac ca sac ca tyam ca.

    Tad etan mûrtam yad anyad vâyoç cântarikshâc caitan martyam etat sthitam etat tat…

    Athâmûrtam vâyuç cântariksham caitad amrtam etad yad etat tyat…

  2. Ko’ yam âtmeti vayam upâsmahe… yena va rûpam paçyati yena va