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ANALYSES. — naville.Julien l’apostat et sa Philosophie.

tions astronomiques qui reviennent si souvent dans les ouvrages de cette époque : sans doute elles sont difficiles à entendre, sans doute elles ont déjà une subtilité toute byzantine et de plus elles se rattachent à d’obscures formules d’évocation des esprits. Mais c’est précisément pour cela qu’elles constituent l’une des parties les plus curieuses et les plus caractéristiques du néoplatonisme tel que l’ont renouvelé les disciples de Jamblique. Enfin et surtout nous voudrions savoir plus exactement ce qui revient en propre à Julien dans sa conception du polythéisme et ce qu’il tient de ses maîtres.

Heureusement toute méthode a ses avantages comme ses inconvénients : si M. Naville considère trop volontiers la philosophie de Julien in abstracto, s’il ne satisfait pas toute notre curiosité, en revanche, grâce à son esprit de prudence et à son amour de la netteté, ce qu’il voit il le voit bien et le fait bien voir. Son œuvre est lumineuse et bien ordonnée : les principales et essentielles conceptions de l’empereur philosophe sont clairement exposées en ce qu’elles ont d’intelligible pour tous les esprits et fortement enchaînées. Nous avons signalé quelques lacunes fâcheuses à notre sens : nous avons hâte d’ajouter que tout ce que renferme le livre est d’un esprit sûr et solide.

M. Naville montre une grande sympathie pour Julien. Quoi qu’on puisse penser en effet de l’essai de restauration hellénique qu’a tenté ce prince, on ne peut se défendre de je ne sais quel sentiment mêlé de pitié et de respect, sinon d’admiration, pour le dernier des empereurs païens. Après avoir vécu dans de perpétuelles alarmes sous la surveillance ombrageuse de son cousin Constance, le meurtrier de son père et de ses deux frères, il n’est monté sur le trône que pour être blessé mortellement deux ans après dans son expédition contre les Perses. Mais ce court espace de temps lui avait suffi pour donner le spectacle de la vertu antique et de l’intégrité des magistrats républicains d’un autre âge. Au milieu de la corruption universelle, il est resté chaste et après la mort de sa femme il n’a eu commerce avec aucune autre. Il était tellement sobre qu’il se contentait souvent en campagne de manger, debout, l’ordinaire de ses soldats. Il prenait à peine quelques heures de repos et aussitôt « il quittait la natte ou la peau de bête sur laquelle il avait dormi pour vaquer aux affaires de l’empire, pour sacrifier aux dieux ou pour se livrer à ses études bien-aimées. » Il ne voulait point qu’on l’appelât « maître » et il blâmait sévèrement le culte des empereurs, ne voulant être lui-même que grand-prêtre, conformément aux institutions nationales.

On sait que ce sage s’est montré sans effort excellent capitaine et habile administrateur. Cependant ni son éducation, ni ses goûts ne semblaient guère l’avoir préparé à commander des armées et à gouverner l’empire. Élevé dans la retraite, contraint de dissimuler sa conversion à l’hellénisme, obligé même de composer des panégyriques en faveur de Constance, longtemps il n’avait pu voir qu’à la dérobée les lettrés et les philosophes qui exercèrent une si grande influence sur son esprit :