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ANALYSES. — flügel.Die Probleme der Philosophie.

O. Flügel. Die Probleme der Philosophie und ihre lôsungen ; historisch-kritisch dargestellt. (Problèmes de la philosophie, et solutions ; histoire et critique.)— Otto Schulze, Cölhen, 1876. 1 vol. in-8.

La philosophie, selon M. Flügel, doit avoir pour base la Science. Le philosophe doit donc commencer par être un savant. D’autre part, les savants d’aujourd’hui sont mal préparés à la tâche philosophique qui devrait occuper la fin de leur vie. Ils ignorent l’histoire de la philosophie. De là plusieurs inconvénients : S’ils négligent d’étudier cette histoire, ils s’exposent à réinventer péniblement des théories et même des erreurs déjà anciennes. S’ils abordent cette étude, s’ils lisent les grands maîtres, ils sont absorbés par la première question qu’ils rencontrent : les profondeurs qu’ils y découvrent leur font penser que la philosophie est là tout entière ; ils s’y enfoncent, et demeurent là. Ou bien ils sont séduits par la première belle théorie qui frappe leurs yeux. Dans les deux cas, ils deviennent des esprits étroits, des gens à systèmes. — M. Flügel s’est proposé de remédier à ces défauts. Il a donc voulu faire un tableau raisonné de toutes les questions philosophiques, mettant en regard de chacune les plus fameuses solutions qui en ont été données dans tous les temps. Ce livre, d’ailleurs, ne doit, selon l’intention de l’auteur, qu’ouvrir l’esprit du commençant, le préparer et l’engager à de plus profondes études.

Ces remarques préliminaires de M. Flügel sont, à tout prendre, vraies, quoique d’une vérité superficielle. Les philosophes, les débutants en philosophie surtout, n’ont pas tout à fait tort quand ils s’abandonnent à l’attrait d’une seule question ou d’une seule théorie : en philosophie, toute question est un centre, toute théorie (j’entends toute théorie digne de ce nom, et logique) contient une vérité d’une portée très-grande, et souvent universelle. Et c’est le tout, pour un philosophe, de découvrir parmi tous ces centres possibles celui qui lui conviendra, et d’où il verra, éclairera le côté des choses qui lui est le plus naturellement accessible. Néanmoins, M. Flügel a raison en ce sens que, s’il est nécessaire à chacun de choisir son point de vue propre, il est d’autant plus sage d’y mettre du discernement, et de les parcourir tous avant de s’arrêter à tel ou tel.

À cet égard, l’entreprise de M. Flügel est donc louable.

Pour la mener à bien, il fallait un de ces esprits souples et dégagés, qui semblent nés pour l’histoire de la philosophie, qui savent se couler dans la pensée d’autrui, et n’ont point de forme à eux propre qu’ils ne puissent dépouiller, au moins pour un moment. M. Flügel paraît avoir une nature tout opposée. : c’est un esprit arrêté. Il est disciple de Herbart, et comme la plupart de ceux de son école, ferme et vigoureux plutôt que fin ; ainsi qu’il arrive aux mathématiciens, il atteint même plus aisément à la subtilité qu’à la délicatesse. De plus, très-attaché à son système et à son parti. Aussi, quelles que soient ses intentions déclarées, son livre semble plutôt fait pour montrer que tout le progrès de la philosophie, à travers l’histoire, conduit à Herbart, s’y termine.