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Une dernière entité, par E. Lesigne, étude sur la Philosophie de l’inconscient, de E. de Hartmann.

Remarques psycho-physiologiques, par E. Littré. Il y a, dans ce dernier travail, quelques faits que nous croyons devoir reproduire au moins sommairement.

I. Un médecin de province, âgé de 74 ans, qui s’était livré pendant sa jeunesse à l’étude de la peinture et de la musique vocale, vit reparaître des mélodies et des chants qu’il ne se rappelait point. « Il y a un an à peine, dans une de ses promenades solitaires sous les charmilles de son jardin, tout à coup il entend murmurer dans une de ses oreilles d’abord, bientôt dans les deux, comme à la sourdine, des sons vagues qui ne tardent pas à se transformer en quelques-uns de ces anciens airs que tout à l’heure il croyait ne plus connaître. Après quelques minutes d’attention curieuse, il essaya d’imposer silence à cet orchestre gratuit et devenu fatigant par sa répétition continue. Effort inutile !… Pendant de longs mois ces scènes se reproduisirent plusieurs fois par jour… »

Le mal ne s’arrêta pas là, et la même force qui avait pris possession des organes acoustiques ne tarda pas à s’emparer de l’appareil de la phonation ; si bien que, sans la participation du patient et en dépit de sa résistance, sa voix se mit à répéter, à murmurer d’un ton bas les sons, les airs tout à l’heure concentrés dans ses oreilles. Puis venaient des variations, des changements subits et inexplicables du rhythme, des motifs sympathiques ou antipathiques au sujet de la rêverie ou de la conversation qui l’occupait L’envahissement fut complet, et le chant involontaire fut présent au lever comme au coucher, aux repas comme aux promenades. »

Quelle que soit l’interprétation physiologique de ce fait, les détails suivants, fournis par le patient lui-même, complètent l’observation en laissant entrevoir une explication possible. « Quant à moi, écrit-il à M. Littré, j’éprouve un affaiblissement général manifesté dans la station debout ou la marche, et dans la liberté d’action des membres supérieurs. Puis vient simultanément la perte graduelle des mots et des choses. Ce qui complète ce tableau de décroissance, c’est l’impossibilité d’une application quelque peu soutenue, à peine de trouble des idées, de fatigue et de douleur de tête »

II. Le deuxième fait que nous voulons citer a pour objet un cas de réminiscence automatique, appliquée à une impression affective. M. Littré fait remarquer que la réminiscence automatique qu’il propose d’appeler automnésie (de αὐτὸς, spontané, et de μνῆσις, mémoire) est le plus souvent commémorative, « c’est-à-dire qu’elle rappelle des impressions ou des événements sans y joindre aucun sentiment de joie ou de douleur. » Mais elle peut être affective aussi et rappeler un sentiment éprouvé. « On sait que la mémoire n’a pas cette vertu, et qu’en nous représentant les scènes par lesquelles nous avons passé, il est impossible de lui faire reproduire les émotions qui les accompagnè-