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galicier.la conscience du moi

précisément et seulement dans cette forme d’évolution qu’il y a lieu de distinguer le maximum et le minimum d’activité de la conscience par rapport au domaine objectif et au domaine subjectif. — 2° Tous les hommes très-occupés ont pu faire l’observation suivante que bien des fois j’ai vérifiée sur moi-même. Sous l’influence d’occupations excessives ou incessantes le corps se fatigue, le cerveau s’irrite, le caractère s’aigrit : on s’impatiente facilement, tout vous agace, on ne désire que le repos et la solitude ; en même temps les goûts changent : ce qui vous plaisait n’a plus de charmes ; les sentiments sont modifiés : la vie que vous aimiez devient triste, votre cœur sent bouillonner des passions qui ne sont pas les vôtres ; l’intelligence est comme désorientée : la vérité qu’elle aimait lui est indifférente, son critérium lui échappe en quelque sorte, elle flotte entre l’indifférence et le scepticisme. Dans les conditions opposées la conscience se remet en équilibre : l’intelligence se développe librement dans la sphère des études préférées, les sentiments sont à l’unisson, le caractère est régulier. Il y a lieu de distinguer à cette occasion, avec Bernardin de St-Pierre, le caractère naturel et le caractère social. Mais au point de vue psycho-physiologique ce sont pour la conscience deux conditions différentes auxquelles répondent deux ordres de manifestations différentes. On peut dire en vérité que dans certains cas on ne se reconnaît plus en tant que personne morale, ce que l’on exprime parfois en disant comme pour s’excuser : ce n’est plus moi, ne faites pas attention à ce que je dis, je ne me reconnais plus. C’est comme si on disait. moi dont j’ai conscience, moi qui suis toujours moi je ne me reconnais plus. Est-ce en tant que donné dans la conscience en forme cérébrale ? non, mais en tant que je me produis au dehors, c’est-à-dire dans les manifestations du moi cérébral, dans le caractère, les sentiments, les idées. Ce n’est pas le moi habituel sous cette forme, ou plus exactement ce n’est pas la forme habituelle du moi ; et cependant le moi à localisation cérébrale est toujours là dans sa forme sensitive et dans sa forme intellectuelle : la sensation d’agacement que vous éprouvez alors dans la tête vous l’indique et vous y rappelle malgré tout. — 3° J’ai fait sur le nouveau-né et au point de vue psychologique des observations que plus tard j’aurai occasion de publier. Je ne citerai ici que quelques faits pour mention. Le nouveau-né, observé dans la première heure de sa naissance et dès le premier moment de sa vie libre, manifeste par ses gestes et par l’attitude de son corps le sentiment de la crainte, soit lorsqu’on le prend dans les mains pour le sortir du lit de misère soit lorsqu’on le plonge dans l’eau du bain. Peut-on avoir le sentiment de la crainte sans avoir la conscience du moi à localisation cérébrale ? D’autre part, si vous lui mettez entre les lèvres le doigt ou un objet quelconque il cherche à téter, au besoin il tète sans rien. Si vous approchez une lumière de ses yeux il les ferme rapidement et d’autant plus fortement que la lumière est plus vive ; si vous la retirez, il les ouvre. Action réflexe sans doute, mais l’action réflexe n’est qu’un point