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REVUE PHILOSOPHIQUE

l’humanité. Il les multiplie davantage encore quand après avoir traité de l’objet de la sociologie et de ses lois, il détermine le rôle des différentes fonctions sociales et leur destinée. Nous ne le suivrons pas jusque-là : ce serait sortir du domaine de la sociologie abstraite. Est-il vrai que « la guerre s’en va ? » que « l’activité militaire et brutale va se résoudre col tempo en activité industrielle et pacifique ? » que les gouvernements vont devenir inutiles et se verront forcés, toujours avec le temps, d’abdiquer devant le jeu spontané mais harmonique des activités individuelles ? Enfin quelle sera la part de chacun des peuples européens dans le concert de l’humanité transformée ? Ces spéculations, nous l’avons dit, nous paraissent, en tant que concernant non ce qui est mais ce qui peut être, moins semblables à des hypothèses qu’à de belles utopies. La théorie de l’évolution est, de l’aveu de l’auteur même, avec les lois qu’il en tire, une théorie provisoire qui a besoin du contrôle de l’observation pour prendre droit de cité dans la science ; n’est-il pas téméraire d’en tirer, avant cette épreuve, des prédictions sur l’avenir ? Si la sociologie veut être reçue au nombre des sciences, il faut qu’elle se garde avant tout des rêves humanitaires. M. Guarin de Vitry, qui doit beaucoup à Spencer et à Comte, fera sagement d’opérer un triage dans les idées de celui-ci, et surtout de rompre d’une manière définitive avec Saint-Simon.

A. Espinas.

V

HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE

Kuno Fischer, Francis Bacon und seine Nachfolger ; Entwicklungeschichte der Erfahrungsphilosophie. (François Bacon et ses successeurs. Histoire du développement de la philosophie expérimentale. 2e édit. entièrement remaniée). Leipzig, Brockhaus.

Voici l’œuvre la plus considérable à tous égards qui ait été écrite sur la vie et la doctrine du père de la philosophie moderne. L’ouvrage est divisé en trois livres. Le premier traite de la vie de François Bacon ; mais, avant de parler de ses actions en ce monde et de ses rapports avec les contemporains, l’auteur a bien fait de rappeler au moins les noms des pères spirituels du philosophe, ses véritables ancêtres, Guillaume d’Occam, Duns Scot, Alexandre de Halès, Roger Bacon, etc. La Renaissance, dont Pierre Ramus personnifie les tendances antiaristotéliques et Montaigne le scepticisme, la résurrection de la philosophie naturelle en Italie avec Télesius et Giordano Bruno, les grandes découvertes géographiques et astronomiques des Colomb et des Copernic, sans parler de la Réformation religieuse et de la déchéance de Rome, telles sont les grandes révolutions intellectuelles qui ont préparé les voies et comme déterminé l’apparition d’un Novum Organon.

Après quoi on peut songer à la reine Elisabeth, à Essex, à Jacques Ier, aux Parlements, à la prospérité inouïe et à la chute non moins extraordi-