Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome I, 1876.djvu/122

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dont quelques-unes sont arrivées à un prompt succès apparent ?

Cet état de la philosophie n’a réellement rien de réjouissant. Il montre partout les traces de l’inachèvement et de la fermentation intérieure. Mais il n’est pas non plus tout-à-fait attristant. L’intérêt pour la philosophie s’est ravivé dans les cercles du monde scientifique où il a été longtemps presque entièrement éteint. Partout, du sein des sciences particulières s’élèvent des questions philosophiques. On s’adresse aux systèmes courants pour avoir une réponse, ou, ce qui arrive encore plus souvent, on essaie de philosopher d’une façon indépendante sur le terrain de la science spéciale que l’on cultive ou des connaissances qui forment l’horizon du savant spécial. Le mouvement philosophique qui commence ainsi dans les sciences particulières, est peut-être plus important que tout ce qui se produit en ce moment dans le domaine de la philosophie proprement dite.

Ici nous voyons la théologie scientifique cherchant avec ardeur un fondement du sentiment religieux, qui donne à la religion une place au-dedans et non pas au-dehors de l’idée philosophique du monde. Là les sciences sociales s’efforcent de plus en plus de résoudre d’une manière conforme aux principes et à la raison les problèmes qui agitent la société humaine. La science historique cherche à pénétrer quelles sont dans la nature et la civilisation les conditions fondamentales des faits historiques et à en saisir ainsi la nécessité intérieure. De la philologie naît la science comparée des langues qui se trouve nécessairement conduite aux questions sur la nature, l’origine et le développement du langage. Ces questions, qui nous font remonter d’une manière directe à la psychologie, contiennent en même temps les problèmes principaux d’une philosophie indépendante du langage.

Mais la philosophie a surtout pénétré dans le domaine de certaines sciences qui naguère lui étaient peut-être le plus étrangères, je veux dire les sciences naturelles. Elles m’ont amené moi-même presque à mon insu et en dehors de ma volonté, aux études philosophiques. Combien n’aurait-on pas été étonné, il y a vingt ans, de rencontrer, au milieu d’un ouvrage consacré uniquement à la physique, des excursions sur le problème de la connaissance ? Ou comment aurait-on pu croire qu’un professeur de physique éprouvât le besoin de consacrer une leçon spéciale à rendre compte à lui-même et à ses élèves des principes logiques de sa science ? Les plus anciens d’entre nous se rappellent encore le temps où la physique était renfermée en apparence dans le cadre d’une science, mais était en réalité divisée en autant de sciences qu’il y a de séries dans les phénomènes dont elle s’occupe. La pesanteur, la lumière, la chaleur, l’électricité