Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome I, 1876.djvu/123

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avaient besoin de principes particuliers d’explication ; et au fond il fallait pour chacun de ces phénomènes principaux une théorie particulière de la matière. À côté marchait la chimie qui doutait si les atomes de la physique avaient une signification pour elle, et dans ce doute se contentait souvent de connaître les faits d’une manière empirique et immédiate. Ainsi il devait nécessairement arriver que souvent on regardât toutes les hypothèses sur les fondements derniers des phénomènes physiques comme de simples moyens d’explication et de calcul, et qu’on ne fût pas choqué de voir les hypothèses sur la constitution de la matière varier dans les différentes parties des sciences naturelles.

Cet état peu satisfaisant n’a pas complétement disparu. Cependant la nouvelle théorie mécanique de la chaleur a déjà rendu possible, pour un grand nombre de phénomènes physiques, une explication unique, et elle est même sur le point de relier la chimie à la physique, en appliquant aux phénomènes de la combinaison chimique des théories dont on a généralement reconnu la vérité. Sans doute la plupart des physiciens et des chimistes regardent encore maintenant nos idées sur la matière comme provisoires, et ils n’ont pas tort. Mais aucun savant ne doute plus qu’il y ait dans ces idées un germe de vérité et que ce germe ne devienne peu à peu la vérité pleine et entière, à mesure que les recherches scientifiques amèneront de différents côtés des résultats concordants. Personne ne pense plus aujourd’hui que les physiciens et les chimistes, ou même les physiciens s’occupant de différentes parties de la physique, puissent encore se contenter d’hypothèses contradictoires. Qu’on en ait plus ou moins conscience, l’idée prévaut généralement qu’il ne suffit plus de décrire et de relier simplement entre eux les phénomènes dans la science naturelle ; il s’agit d’en pénétrer la cause d’une manière définitive. Mais par là la science naturelle reconnaît que sa mission est de coopérer à la création d’un système général et philosophique de la nature.

Cela nous conduirait trop loin de vouloir ici montrer, même brièvement, comment la science naturelle se trouve, dans toutes ses parties, mise ainsi en présence de problèmes philosophiques. Déjà on a également tiré des principes de la théorie mécanique de la chaleur des conséquences qui, s’étendant jusqu’à l’avenir le plus reculé, ne craignent pas de toucher au grand problème de l’univers : y a-t-il, oui ou non, une fin des choses ? Sur le même terrain des considérations générales, le principe de l’indestructibilité de la force a étendu sa puissance irrésistible au monde vivant, qu’il assujettit à la transformation générale des forces de la nature, en anéantissant