Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome I, 1876.djvu/129

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sensations se meuvent également dans des cercles opposés : le chaud et le froid, les sons aigus et profonds, forts et faibles, la lumière vive et terne. Et les mêmes oppositions reviennent dans nos idées éthiques et esthétiques : le bien et le mal, le beau et le laid. Mais partout cette opposition est un produit de notre perception. Elle provient de la perception et non de la pensée pure. De cette façon ce n’était pas en réalité un principe logique, mais une expérience générale qui formait le véhicule de la méthode dialectique ; celle-ci devait donc réussir à comprendre également dans son système les notions expérimentales. Mais ce qui dans la riche expérience des sciences particulières aurait autrement été fécond pour la contemplation philosophique devait nécessairement s’effacer devant la puissance d’un principe unique qui passe partout son niveau. Nulle part ce fait ne s’est montré plus clairement que dans la philosophie de la nature : aucune autre science ne possède un plus grand nombre de principes d’explication bien reconnus et jusqu’ici ils ne présentent encore aucun enchaînement.

Parmi les successeurs de Kant, c’est Herbart qui s’est le plus rapproché de la manière de voir des naturalistes. Sa tentative de renouveler la monadologie de Leibnitz sur le terrain préparé par la Critique de la raison de Kant et par l’analyse de la conscience de Fichte offrait d’une part des points de contact avec la théorie atomistique, et semblait d’autre part ouvrir à la méthode mathématique, familière aux savants, une entrée inattendue dans la psychologie. Sans doute, en y regardant de plus près, l’affinité de la philosophie de la nature de Herbart avec la manière de voir des savants disparaît, de même que les formules mathématiques de sa statique et de sa mécanique des représentations manque de la base exacte d’une mesure et d’une confirmation même approximative par l’expérience. Les êtres simples de Herbart qui, par leur réaction mutuelle, produisent la marche du monde, ne sont pas, comme les atomes de la physique moderne, les forces les plus simples pouvant être regardées comme le fondement des changements dans les phénomènes extérieurs de la nature ; ils ont leur type dans la sensation pure. Comme cette dernière, ils possèdent la qualité, et de même que des sensations, qualitativement différentes, se contrarient, de même les êtres simples se contrarient dans leur union. Les expériences les plus simples de notre conscience sont donc transportées ici aux objets extérieurs. Mais une fois cette base admise, le développement spéculatif marche en avant sans le recours à de nouvelles expériences Tout au plus cherche-t-on plus tard à établir, tant bien que mal, un accord avec les résultats de la science. Hégel avait proclamé l’expérience interne