Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome I, 1876.djvu/145

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Pour être moins visibles dans la science que nous étudions, ces défauts ne sont pas moins réels et ils ne pouvaient échapper à l’œil pénétrant des adversaires. Pour ne reproduire ici que quelques-unes des critiques dont a été l’objet l’esthétique hégélienne, on a dit avec raison : 1o que, dans la métaphysique du beau, l’apparence ou la forme sensible, quoiqu’elle entre dans la définition du beau, y est trop sacrifiée à l’idée ; elle n’obtient pas tous ses droits et s’évanouit vite dans le terme général qui l’absorbe, ce qui constitue un idéal abstrait, vague et chimérique où l’individuel n’apparaît pas ou n’est qu’une ombre vaine. 2o Ce défaut se répète et s’augmente toujours, dans toutes les formes que revêt l’idée du beau dans la nature et dans l’art, dans la nature d’abord où la beauté réelle est presque niée, n’est qu’un simple reflet, à peine digne d’être remarqué, de la vraie beauté, celle de l’art, et à ce titre, est exclue de la science du beau. Celle-ci devient ainsi uniquement une philosophie de l’art. Du moins en est-il ainsi dans l’œuvre du chef de cette école.

L’art lui-même y est traité d’une manière trop abstraite. Malgré la richesse des détails, la logique en fait presque tous les frais ; elle construit à priori tout l’édifice : non-seulement la métaphysique du beau et de l’art, mais l’histoire entière de l’art, le système des arts et la théorie de chaque art en particulier. Partout la forme y suit pas à pas l’idée qui la traîne à sa suite, souvent avec violence. Elle n’apparaît guère que comme symbole, expression pâle de l’idée qui elle-même manque de vie dans sa généralité. Ce défaut ne se révèle pas moins dans l’appréciation des œuvres de l’art. La forme la plupart du temps y est oubliée, ou n’y obtient pas l’attention qu’elle mérite. La conformité à l’idée, voilà la règle unique ou principale pour juger du mérite des œuvres. Aussi, toute savante, ingénieuse, élevée et profonde qu’elle est, cette critique est incomplète, injuste ou exclusive. Enfin la technique de l’art elle-même est ou totalement omise ou faiblement traitée.

Ces objections sont les plus directes. Nous omettons celles qui portent sur des points plus élevés de haute métaphysique et qui ne seraient pas ici comprises[1]. Tout cela se produit en effet chez les représentants les plus éminents du système qui s’efforcent vainement ou d’en combler les lacunes ou d’atténuer ces défauts et de faire droit à ces reproches. On l’a vu chez Weisse, surtout chez Vischer, dans sa tentative de réintégrer l’individuel et l’accidentel.

Mais les défauts subsistent et ils donnent prise aux mêmes attaques.

  1. Voy. Danzel, Die hegelsche Æsthetik. Hambourg, 1844. — Zeising, Æsthetische Forschungen, Francfurt, 1855.