Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome I, 1876.djvu/173

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différentes qui sont dues à ce que les parties de ce sensorium avec lesquelles les nerfs sont en connexion, ont des propriétés différentes. Dans l’état actuel de la science je regarde la preuve de l’une ou l’autre de ces deux hypothèses comme impossible.

Il est au moins hors de doute que certaines parties du cerveau participent aux énergies spécifiques des nerfs ; car une pression exercée sur le cerveau a été souvent observée comme la cause de sensations lumineuses. Un spectre lumineux peut encore être produit par une cause interne, après une amaurose complète de la rétine. Alex. de Humboldt a constaté que chez un homme qui avait perdu un œil, on pouvait produire, avec le galvanisme, des perceptions lumineuses du côté aveugle. Linke rapporte le cas d’un malade qui, après l’extirpation d’un œil, perçut toutes espèces de sensations lumineuses qui le tourmentaient si fort qu’il croyait les voir réellement de ses yeux. Quand il fermait l’œil sain, il percevait différentes images, — telle que lumières, cercles de feu, figures dansantes, etc., s’agitant devant l’orbite d’où l’œil avait été arraché. Puisque donc les énergies spécifiques des sens sont en partie possédées par le sensorium, la question est de savoir, si les nerfs qui sont les conducteurs des impressions extérieures, participent ou non à cette possession d’énergies. »

Il n’a pas montré clairement laquelle des deux alternatives il adoptait. La seule chose sur laquelle il insiste, c’est l’existence d’une substance spéciale pour chaque espèce de sensation. Ainsi la sensation de couleur dépend d’une substance visuelle (Sehsinnsubstanz) ; la sensation de son d’une substance auditive (Hœrsinnsubstanz). Cette substance s’étend de la périphérie au centre, de la rétine au cerveau, et son excitation cause une sensation spécifique. L’hypothèse est plausible tant qu’on l’applique à la vue, à l’ouïe, au goût, à l’odorat, parce que ces centres ne paraissent avoir d’autres modes de réaction que celui qui leur est spécifique à chacun ; mais si l’on étend l’hypothèse à tous les nerfs, à toutes les sensations, il s’élève des difficultés, Ainsi la sensation de douleur est aussi différente de la sensation de température ou de pression, que la sensation de couleur est différente de celle de son. Le nerf optique ne nous donne aucune sensation de douleur, même quand il est dilacéré ; les nerfs de la peau, d’autre part, ne nous donnent aucune sensation de couleur. Devons-nous donc supposer une substance douloureuse, une substance de température, une substance de pression ? Et si nous supposons que ces trois substances existent dans un seul et même nerf de la peau, comment pouvons-nous expliquer l’absence de l’une des sensations toutes les fois que l’autre est présente ? La pression ou la tempéra-