Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome I, 1876.djvu/191

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
183
paul tannery.le nombre nuptial dans platon

Mais tandis que l’harmonie d’Archytas repose sur l’accord de tierce majeure, celle-ci dérive de la tierce mineure, qui ne paraît avoir été introduite réellement dans la musique grecque que bien après Platon.

IX. Il semble que, notre hypothèse a résisté victorieusement à l’épreuve à laquelle nous l’avons soumise, et que nous sommes dès lors en droit de la considérer comme suffisamment fondée. Certes, le langage de Platon peut paraître singulier ; mais même aujourd’hui, il serait peut-être difficile d’exprimer les mêmes idées plus simplement et notamment de trouver une relation moins compliquée entre les quatre nombres 4, 9, 5, 15. D’autre part, rien ne paraît indiquer que ce langage fût réellement obscur au moins pour ses contemporains initiés aux théories mathématiques des Pythagoriciens.

Poursuivons donc notre explication.

Le membre de phrase qui précède la partie que nous avons interprétée, ὧν ἐπίτριτος πυθμὴν πεμπάδι συζυγεὶς δύο ἁρμονίας παρέχεται, τρὶς αὐξηθεὶς, se rapporte évidemment à une autre génération du nombre 2700, génération qui correspond aux indications de la première partie de la phrase (αὐξήσειςαὐξηθεὶς).

D’après ce que nous avons vu sur la citation d’Aristote, cette génération consiste à partir du nombre 60 = 3 ⨉ 4 ⨉ 5 et à lui faire subir une opération désignée par τρὶς αὐξηθεὶς.

Or 2700 = 60 ⨉ 45. En divisant 45 par 3, nous arrivons à cette conclusion, singulière au premier abord, qu’αὐξηθεὶς signifie ici une multiplication par 15.

Pour expliquer ce résultat, ce qui nous sera d’ailleurs facile, il faut exposer ce que l’on sait sur le nombre parfait.

Primitivement, les Pythagoriciens ont considéré comme parfaits les nombres obtenus dans leur quaternaire 1. 2. 3. 4., par la sommation successive des termes de cette progression arithmétique (série des nombres naturels).

Ce sont les nombres

3 = 1 + 2
6 = 1 + 2 + 3
10 = 1 + 2 + 3 + 4.

C’est ce qu’on a appelé plus tard les premiers nombres triangles[1].

Ils ont remarqué, parmi ces nombres parfaits, le nombre 6 comme jouissant d’une propriété singulière, à savoir qu’il est égal à la somme de ses parties aliquotes. Cette propriété fut regardée par eux

  1. Il n’est pas douteux d’ailleurs qu’ils n’aient considéré la série indéfinie des triangles : 1, 3, 6, 10, 15, 21, 28, 36, 45, 55, etc., mais ils se sont naturellement arrêtés pour leurs nombres parfaits à 10, base du système de numération et total général de leur quaternaire.