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analyses.f. brentano. Psychologie empirique

états d’une partie se communiquent facilement au tout. — Le second, dans son Histoire du Matérialisme, soutient que d’une part l’unité de la conscience est inconciliable avec beaucoup de faits, tels que la division des animaux ou la fusion de deux en un ; que, d’autre part, un groupe d’activité psychique tel que nous en trouvons en nous-même n’est pas pensable sans une unité réelle. Il en conclut qu’il y a là une antinomie, qu’il n’y a pas opposition entre une unité et une pluralité réelle ; que ni l’une ni l’autre n’existent en réalité, mais seulement dans notre pensée subjective.

La troisième partie contient la classification des phénomènes de conscience. Après une revue étendue et intéressante des principales classifications qui figurent dans l’histoire de la psychologie, M. Brentano donne la sienne. Il admet trois classes ou trois formes fondamentales d’activités psychiques : 1° la représentation ; 2° le jugement ; 3° les tendances et désirs, ou, comme il dit plus simplement, l’amour et la haine. Il s’attache à déterminer les caractères qui, selon lui, différencient ces trois groupes ; tout en faisant remarquer d’ailleurs avec insistance qu’ils se mêlent intimement et que la séparation n’a rien d’absolu. La suite de l’ouvrage doit contenir l’étude détaillée de ces trois groupes.

Il est impossible de porter un jugement d’ensemble sur un travail dont une moitié seule est publiée, d’autant plus que le second volume nous réserve peut-être des surprises. On peut, du moins, dès à présent, constater que cet ouvrage est bien composé, clair, intéressant et possède une valeur incontestable. On peut aussi déterminer la position que l’auteur occupe dans le mouvement psychologie contemporain.

Les tendances actuelles dans cet ordre nous paraissent se distribuer comme il suit :

Les représentants de l’ancienne psychologie, c’est-à-dire d’un mélange hétérogène de faits, de descriptions et d’hypothèses métaphysiques ;

Les représentants de la nouvelle psychologie, c’est-à-dire ceux qui excluent toute métaphysique, pour s’en tenir aux phénomènes. Mais, parmi eux, il y a lieu de distinguer deux tendances : l’une idéologique ou logique, l’autre physiologique. Il est inutile de mettre des noms sous chacune d’elles. Tout lecteur un peu au courant de ce qui s’est produit depuis une quinzaine d’années le fera de lui-même.

Évidemment, M. Brentano appartient à la première tendance, et c’est ce qui explique son goût décidé pour Stuart Mill qui, lui aussi, est fort éloigné de la tendance physiologique. Ce n’est pas ici le lieu de choisir entre les deux. Nous croyons cependant que l’école idéologique, si elle montre plus de finesse et d’aptitude à l’analyse que sa rivale, si elle se renferme plus rigoureusement dans ce qui est strictement psychologique, tombe souvent dans un défaut : trop de raisonnement et pas assez de faits.

Th. Ribot.