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Th. ribot.durée des actes psychiques

réalité. C’est le premier fait qui se produit, quand l’intervalle est petit ; le second, quand l’intervalle est grand. Tous ceux qui ont l’habitude de la réflexion, l’ont remarqué. Quand nous repassons dans nos souvenirs certaines périodes écoulées de notre vie, une période courte nous apparaît toujours comme plus grande, relativement, qu’une période longue. Un mois passé et une année passée se raccourcissent tous deux dans nos souvenirs, mais c’est l’année qui, relativement, se raccourcit le plus.

Cette loi a d’ailleurs pu être établie par des expériences précises. Si nous cherchons à nous représenter des fractions de seconde, notre représentation de cette fraction de la durée est toujours trop grande : le contraire se produit, lorsqu’il s’agit de plusieurs minutes ou de plusieurs heures. Pour étudier la durée de ces petits intervalles, Vierordt faisait observer pendant quelque temps les battements d’un métronome ; puis, l’observateur devait, à lui tout seul, reproduire des battements aussi rapides que ceux qu’il avait entendus. Or, l’intervalle des battements imités devenait trop court quand l’intervalle réel était long, trop long quand l’intervalle réel était court. Les variations individuelles, en deçà ou au delà du point précis, sont assez grandes.

Vierordt, à la suite d’expériences faites sur lui-même, a trouvé que le point d’appréciation exacte répondait à des excitations durant :

Pour l’oreille entre 3 et 3,5 secondes

Pour le toucher entre 2,2 et 2,5

Il ne laissait entre la sensation et sa répétition qu’un petit intervalle.

Notre sentiment de la durée, comme le fait remarquer Wundt, est différent selon qu’il est rétrospectif ou qu’il s’applique à l’avenir. Dans le premier cas, il repose sur une reproduction d’états antérieurs, dans le second cas sur un effort de l’attention. C’est ce qui explique pourquoi il nous paraît si long d’attendre quelqu’un et pourquoi, dès que la personne attendue paraît, le temps d’attente rejeté dans le passé paraît très- court. Le temps consacré à un travail uniforme nous paraît beaucoup plus court que le même temps dépensé en mille petits travaux qui n’ont pas de lien entre eux. Ici encore il y a une influence de l’attention.

Nous arrivons donc à ce résultat général que la reproduction des états de conscience dépend, tout comme leur perception immédiate, de l’état d’effort de l’attention. Chaque représentation doit, pour être perçue, s’accommoder à l’attention, entrer dans ce qui a été appelé plus haut le point visuel. Et de même que chaque impression