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Quand par exemple un être vivant reçoit une excitation quelconque, il emploie la force reçue dans cette excitation suivant son mode de développement ou de conformation, c’est-à-dire suivant les habitudes de fonctionnement que l’action du milieu a, graduellement et à travers des millions de générations, imposées à son organisme, en tenant compte des modifications que son existence personnelle y ont encore ajoutées.

Il est bon toutefois de faire observer que dans les corps nous ne nous trouvons pas seulement en présence de forces élémentaires, mais de systèmes de forces, et que ces forces réunies en systèmes sont adaptées elles-mêmes nécessairement les unes aux autres. Elles ne peuvent rester en cohésion qu’à la condition de s’être modifiées réciproquement : un corps même homogène, même inorganique, par cela seul qu’il forme un ensemble cohérent, résulte déjà des habitudes des éléments-forces qui le constituent, c’est-à-dire de leur manière d’agir et de réagir les uns sur les autres, et chacune de ces habitudes élémentaires résulte elle-même de l’action antérieure d’autres corps ou d’autres forces. Quand une force extérieure au système vient à le rencontrer, la modification qu’elle subit en intensité, en direction, en vitesse, est déterminée par la nature du corps, c’est-à-dire par l’ensemble des habitudes ou manières de réagir de ses éléments. Quand les corps sont organisés, la complication est plus grande ; car il ne s’agit plus d’un système d’habitudes, mais d’un système de systèmes ; et ces systèmes sont adaptés les uns aux autres comme dans la simple cohésion le sont les uns aux autres les éléments d’un corps ; aux habitudes des éléments viennent s’ajouter par conséquent les habitudes des systèmes ; ces habitudes de systèmes ne résultent à vrai dire que de nouvelles habitudes ou propriétés réactives des éléments se surajoutant aux manières d’être qu’ils possédaient déjà en tant que dernières parties constituantes de tel ou tel corps. Un organe n’est qu’un instrument relativement à l’ensemble des autres organes de la même individualité, c’est-à-dire qu’il subit leur action comme les autres subissent la sienne. Il agit sur les autres suivant sa conformation propre, et lui-même subit dans son fonctionnement l’influence des autres suivant leur conformation. C’est par ces habitudes des organes que l’être organique a son unité individuelle ; il est composé de parties qui, dans leur fonctionnement, se conditionnent réciproquement, c’est-à-dire que les habitudes des unes ont pour conditions certaines habitudes des autres. Il y a par conséquent deux choses à considérer dans tout organisme : 1o la localisation d’habitudes spéciales dans chaque organe particulier ; 2o le rapport d’adaptation de toutes ces habitudes particulières. Quand