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donc unies des lois moins générales, celles des embranchements.

Pendant quelque temps, l’embryon du vertébré n’a rien en lui qui laisse deviner à quelle classe il appartiendra ; il sera mammifère, oiseau, reptile, batracien ou poisson ; mais jusqu’à présent il n’est que vertébré : son encéphale se compose de cinq ampoules cérébrales. Son corps est un disque mince et aplati, sans face ni jambes, ni intestins ; quand les extrémités antérieures et postérieures apparaîtront, « on ne saura pas encore si ce doivent être les bras et les jambes d’un homme, les pattes d’un chien, celles d’un oiseau ou d’une tortue ; ce sont des bourgeons arrondis qui deviennent peu à peu des palettes où apparaissent enfin des doigts rudimentaires cachés sous une sorte de membrane natatoire[1]. » Si le travail évolutif s’arrêtait là, et si, à ce point de développement, on considérait les embryons d’un mammifère, d’un oiseau, d’un reptile ou d’un poisson, on ne saurait, en les voyant, dire qu’une chose : ce sont des vertébrés. Mais que l’évolution continue, et de nouveaux caractères vont apparaître. Chez certains embryons naîtront des franges branchiales ; chez les autres, des poumons ; chez ceux-ci les crosses aortiques persisteront ; chez ceux-là elles s’atrophieront, moins deux, moins une ; en même temps, les ampoules cérébrales se développeront inégalement ; ici les lobes antérieurs, là les lobes médians acquerront une prédominance marquée. Le vertébré se caractérise ainsi peu à peu comme mammifère, ou comme oiseau, ou comme reptile, ou comme poisson. La loi de l’embranchement agit toujours ; mais elle reçoit la collaboration de lois moins étendues, qui spécifient son œuvre dans un sens ou dans un autre. Ce sont les lois des classes. Dans la suite apparaîtront les caractères des ordres et des autres catégories plus restreintes.

On le voit : les résultats les plus généraux de l’embryologie confirment ceux de l’anatomie comparée. Aussi ne doit-on pas s’étonner que, presque à la même époque, Cuvier et de Baër, en partant, le premier, de la comparaison des individus pleinement achevés, le second, de la comparaison des individus en voie de formation, aient abouti à deux classifications du règne animal à peu près identiques. Toutefois, dans une matière si compliquée, il faut se garder d’exagérer les analogies. Agassiz, un des naturalistes qui ont le plus contribué à répandre et à justifier cette idée de l’apparition successive des caractères qui distinguent les divers types du règne animal, ne la professait pas cependant sans réserves. S’il admet qu’ « en tant qu’œufs, dans leur condition primitive tous les animaux se ressem-

  1. Ibid.