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lachelier. — théorie du syllogisme

DISAMIS BOCARDO
Quelque A est C : Quelque A n’est pas C :
or tout A est B : or tout A est B :
donc quelque B est C. donc quelque B n’est pas C.
DATISI FERISON
Tout A est C : Nul A n’est C :
or quelque A est B : or quelque A est B :
donc quelque B est C. donc quelque B n’est pas C[1].

Aucun des quatorze modes admis par Aristote n’a donc besoin de démonstration, puisqu’il n’y en a aucun qui ne soit aussi clair par lui-même que les conséquences immédiates dont on pourrait se servir pour le démontrer. On ramène, dit-on, la seconde figure à la première, par la conversion de la majeure : mais on n’applique cette règle qu’aux modes Cesare et Festino, dans lesquels la majeure est une universelle négative, de sorte que cette prétendue conversion est, en réalité, une contraposition. On se sert donc de la contraposition, c’est-à-dire d’un syllogisme de la seconde figure, pour démontrer un syllogisme de la seconde figure : et l’on commet un cercle, assez innocent du reste, puisque l’on ne prouve par soi-même que ce qui n’a pas besoin de preuve. On ne pouvait songer, dans les modes Camestres et Baroco, à convertir la majeure, qui serait devenue particulière et n’aurait pu, dès lors, jouer le rôle de majeure dans la première figure : on s’est tiré d’affaire, pour Camestres, en renversant d’abord l’ordre des prémisses, puis celui des termes dans la mineure devenue la majeure, pour le renverser de nouveau dans la conclusion : on a ainsi deux contrapositions au lieu d’une, et l’on redouble inutilement un cercle inutile. Mais le même expédient ne pouvait servir pour Baroco, dont la mineure et la conclusion sont des particulières négatives : on a donc cru devoir renoncer ici à toute démonstration directe, et l’on s’est borné à démontrer, en Barbara, que la fausseté supposée de la conclusion entraînerait celle de la mineure. On se serait épargné tous ces embarras, si l’on avait remarqué que la prétendue conversion de la majeure négative, dans les modes Cesare et Festino, n’était autre chose qu’une contraposition : car on aurait été conduit par là à contraposer aussi, comme

  1. Un contemporain de Kant, Lambert, a fort bien indiqué le principe et la fonction de chacune de ces trois figures : je lui suis, en particulier, redevable de cette idée, que le raisonnement, dans la troisième figure, repose sur l’emploi d’un exemple. Mais il me paraît faire de vains efforts pour donner un sens à la quatrième figure, qu’il réduit, du reste, virtuellement à la première, puisque sa notation permet de lire le même mode, en allant du petit terme au grand, ou du grand au petit. Voyez son Neues Organon, Dianoiologie, ch. iv, p. 209-215, 225-233.