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e. de hartmann. — schopenhauer et frauenstaedt.

manière de voir. D’un côté on voit des adversaires de toute philosophie, de toute métaphysique, s’appuyant sur les sciences exactes et se sentant forts de leur accord avec les pays étrangers où la philosophie allemande n’a pas encore pénétré, et de l’autre côté les partisans de la philosophie qui s’efforcent de se maintenir au courant des différentes directions de notre développement philosophique. Le culte exclusif d’un seul philosophe du passé, qu’il s’appelle Schopenhauer ou Hegel, ne peut plus prétendre aujourd’hui à satisfaire l’intérêt que le public prend à la philosophie, même rajeunie par une transformation destinée à la mettre en rapport avec le temps actuel.

Comme je n’éprouve aucune vénération personnelle à l’égard de Schopenhauer, comme je le considère comme un phénomène historique du passé au même titre qu’Hegel et Schelling, et qu’ainsi mon essai de développement de la philosophie du premier est en même temps un essai de développement de celle de ces deux derniers, je comprends que Frauenstaedt ne partage pas mon point de vue et qu’il le critique comme une détérioration de la philosophie de Schopenhauer. Nous verrons que les raisons sur lesquelles Frauenstadt fonde son jugement, n’ont aucune valeur même considérées à son propre point de vue.


II — L’idéalisme subjectif.

Dans cet examen de l’essai de transformation de Frauenstaedt, il nous semble opportun de suivre plutôt l’exposition de Schopenhauer que la critique de Frauenstaedt, parce que le système de Schopenhauer est parfaitement bien coordonné dans toutes ses parties. Les deux premiers livres de son œuvre principale contiennent la partie théorique, le troisième la partie esthétique, la 4e la partie éthique de son système, et la partie théorique est divisée de façon que dans le 1er  livre la théorie de la connaissance est posée comme la pierre angulaire et le fondement de toute philosophie, sur lesquels s’élève dans le second livre seulement l’édifice de sa métaphysique particulière. Or la théorie de la connaissance développée dans le premier livre est — Frauenstaedt le reconnaît aussi — l’idéalisme subjectif, c’est-à-dire la doctrine que toute réalité empirique des objets perçus doit être uniquement cherchée dans la conscience, dans le monde des phénomènes subjectifs. Elle s’appuie sur l’esthétique et l’analytique transcendentales de Kant, c’est-à-dire sur cette doctrine que les formes de l’intuition et de la pensée sont des produits spontanés de l’esprit, dont l’usage ne peut pas s’étendre au-delà du domaine des phénomènes subjectifs.