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de la volonté universelle, comme une manifestation, une objectivation ou un phénomène subjectif, mais qui est, par rapport à l’objet de représentation de la conscience, comme la chose en soi est à l’égard des phénomènes subjectifs. De même nous sommes d’accord que l’espace et le temps doivent être maintenus comme principium individuationis et sont, par conséquent, tout aussi bien des formes de l’existence réelle dans cette sphère de l’individuation ou des phénomènes objectifs, que des formes de l’intuition dans la sphère de la conscience. Mais ces deux points sont des interpolations dans le système de Schopenhauer qui le dérangent complètement et n’auraient pas été plus approuvées par ce philosophe qu’elles ne le sont maintenant par la majorité des Schopenhaueriens, décidés à rester fidèles à la vraie doctrine du maître.

Pour Schopenhauer, comme pour Kant, le mot phénomène a toujours désigné ce qui apparaît à un sujet qui perçoit, et un phénomène sans le sujet qui le perçoit aurait été à ses yeux un non-sens. Tous les endroits, que Frauenstaedt cite, pour les interpréter dans notre sens, peuvent être interprétés tout aussi bien et encore mieux dans le sens des phénomènes subjectifs, et même la manifestation ou objectivation de la volonté, dont parle Schopenhauer, ne doit pas être comprise comme quelque chose au-dessus et à côté du phénomène subjectif, mais comme le phénomène subjectif lui-même, en tant que celui-ci est entendu dans son rapport avec son corrélatif transcendant d’une volonté concrète. Le « passage » de la volonté aux formes du phénomène n’a pas d’autre signification dans Schopenhauer que le passage à une conscience, c’est-à-dire à l’état de représentation, et même l’expression « nature » n’est qu’un ensemble de phénomènes subjectifs dans leur enchaînement causal immanent. La moindre concession que Frauenstaedt lui-même soit obligé de faire, c’est de reconnaître que toutes ces expressions sont équivoques et que, par conséquent, ses interprétations dans le sens réaliste sont douteuses ; elles ne peuvent donc nullement contribuer à motiver son assertion que la véritable opinion de Schopenhauer a été la rétractation de son idéalisme subjectif.

V. — La causalité.

La sphère de l’individuation réelle placée entre l’unité du monde réel et le monde subjectif des phénomènes, cette sphère inconnue de Schopenhauer n’est pas seulement celle de l’espace réel et du