Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome I, 1876.djvu/567

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
559
e. de hartmann. — schopenhauer et frauenstaedt.

volonté au vouloir. Comme je n’ai pas été le premier à exprimer cette idée, mais que Schopenhauer l’a déjà exprimée[1], Frauenstaedt se trompe d’adresse en dirigeant contre moi son observation que c’est là « un non-sens, une absurdité. » En effet, du point de vue réaliste du monisme de la volonté de Schopenhauer, considéré aussi par Frauenstaedt comme le seul qui soit valable ici, il n’y a qu’une doctrine possible, à savoir : l’essence de la volonté ou sa substance, c’est-à-dire la volonté comme support ou sujet de la fonction du vouloir n’a ni commencement ni fin ; le monde, c’est-à-dire la manifestation de la fonction du vouloir a un commencement (aurait aussi pu ne pas en avoir) et une fin (ce qui veut dire seulement qu’il peut finir, mais nullement qu’il ait nécessairement une fin).

Prétendre que l’essence du monde, au lieu de pouvoir vouloir, est forcée de vouloir, c’est la faire descendre au rang d’une force aveugle de la nature et soutenir que le nom de volonté choisi par Schopenhauer est une méprise authropomorphique qui induit en erreur : ce qui a la faculté de vouloir peut seul s’appeler volonté ; jamais on ne peut appliquer ce nom à ce qui est forcé de vouloir aveuglément et qui ne peut pas ne pas vouloir. Celui qui considéra l’attribution de la volonté à l’Être universel comme trop authropomorphique devrait, à plus forte raison, considérer comme tel l’attribution de l’idée et de la finalité, qui en est la conséquence, c’est-à-dire il devrait rejeter la métaphysique, se contenter d’un naturalisme plus ou moins teint de matérialisme, et rompre ainsi toute connexion avec la métaphysique de Schopenhauer. Car ce dernier est justement parmi tous les philosophes celui qui a vu le plus clairement que le seul moyen d’arriver à comprendre véritablement les objets, c’est de leur attribuer par analogie nos fonctions psychiques, fondamentales ; ce moyen est justifié objectivement parce que le monde est un tout identique et que ses fonctions élémentaires sont les mêmes dans toutes ses parties, absolument comme les éléments chimiques des différents corps célestes sont partout identiques. Tous les hommes cherchent inconsciemment à arriver par cette méthode à la connaissance du monde ; mais le philosophe la suit sciemment.

X. — Physique et métaphysique.

En ce sens Schopenhauer a raison de dire que la méthode philosophique ou métaphysique est quelque chose de nouveau et s’unit à la méthode empirique ou des sciences spéciales, comme la troisième

  1. Comp. Parerga, vol. II. § 162.