Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome I, 1876.djvu/570

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES



Le cerveau divisé, comme on sait, en deux hémisphères symétriques, présente à sa surface une couche de substance grise, épaisse de plusieurs millimètres et repliée sur elle-même de manière à former chez l’homme et chez quelques animaux des circonvolutions qui en augmentent l’étendue.

Bien des raisons qu’il est inutile de rappeler ici ont prouvé que cette couche corticale, constituée par un nombre considérable d’éléments nerveux (cellules), est principalement le siége des actes psychiques. Mais on ignorait, jusque dans ces derniers temps, si certains de ces actes s’effectuent spécialement dans certaines régions circonscrites de l’écorce. Des hommes d’une compétence indiscutable s’étaient même prononcés contre la doctrine des localisations[1], soit par suite d’une réaction naturelle contre les extravagances de Gall, soit à cause de l’autorité scientifique de Flourens[2].

Mais les exagérations des phrénologistes ne pouvaient compromettre définitivement la cause des localisations ; et les affirmations de Flourens n’eurent qu’un crédit passager car on ne tarda pas à reconnaître que des mutilations sur les lapins et sur les poules, animaux qui ne brillent pas par leur intelligence, ne fournissent que des présomptions, loin d’apporter des preuves. On n’a pas cependant négligé l’investigation sur les animaux, mais on les a mieux choisis

  1. M. le professeur Vulpian, dans son excellent ouvrage sur le système nerveux, dit relativement aux fonctions de la couche corticale que « rien n’autorise une hypothèse de ce genre. » (Leçons sur la physiologie du système nerveux, 1866, p. 719.)
  2. Voici comment s’exprime ce célèbre physiologiste : « On peut retrancher soit par devant, soit par derrière, soit par en haut, soit par côté, une portion assez étendue des lobes cérébraux sans que leurs fonctions soient perdues. Une portion assez restreinte de ces lobes suffit donc à l’exercice de leurs fonctions… » Mais la déperdition de substance devenant plus considérable « dès qu’une perception est perdue, toutes le sont ; dès qu’une faculté disparaît, toutes disparaissent. Il n’y a donc point de siéges divers, ni pour les diverses facultés, ni pour les diverses perceptions. » (Rech. exp. sur les propr. et les fonct. du système nerveux, 1842, 2e éd. p. 98 et suiv.)